mercredi 19 novembre 2008
Des ordres / Désordres
Des ordres, Désordres. Récit.
La lumière s'éteint. La salle fait silence. J'aime ce moment, où, dressée sur mon siège, je me demande ce que va m'offrir la scène.
Premier spectacle, Hervé Maigret: un décor hors du commun, des années 50, à la Dogville, des traits sur le sol. Des habitants d'un petit village. Ici une scène d'école, là un jeu de cartes. Tout en couleurs, tout en mouvements. Le quotidien dansé. Les corps s'agitent aux 4 coins de la scène: ce sont eux les véritables stars, porteur des sentiments des personnages -du rire devant l'écran de cinéma au drame du viol. La cloche sonne. Sortie de ce monde imaginaire. Bouleversée.
Deuxième spectacle, Andonis Foniadakis. Décor nu. Un corps à terre. La boule bouge et rebouge. Se tord dans tous les sens. Tente de repousser ses propres limites. Entre danse classique et art abstrait, six danseurs aux costumes pastels se cherchent. C'est impulsif, primitif, animal. Dérangeant. Déroutant.
Troisième levée de rideau, Alexander Ekman. La troupe de danseurs au complet. Ils sont une vingtaine à marcher les uns à la suite des autres. On dirait des pingouins, tout vêtus de noir et blanc. Ils comptent. S'arrêtent. Rient. Gesticulent. Repassent. Du théâtre tout en dansant, des grimaces aux passages de rire. C'est fin. C'est beau.
Un petit intermède clownesque. Et c'est reparti pour des jeux corporels à n'en plus finir. Cache-cache derrière les tables. Sauts, pirouettes. Je m'amuse. Comme une folle. Je ris aux éclats devant un spectacle de danse.
Des seaux d'eaux arrosent les corps. Ils fondent, disparaissent. Leurs ombres sont projetées sur le fond. La fin approche. Rires et larmes se confondent. L'émotion m'envahit. Je suis pleine à craquer. Transportée. Désordonnée.
La danse comme un vent frais... Une brise d'été un soir d'automne.
Pour avoir un aperçu de Flockwork (la musique est différente): http://www.youtube.com/watch?v=EmZPAIJ_uWo
dimanche 19 octobre 2008
ART – Käthe Kollwitz, femme, mère et génie
Elle sculptait et lithographiait dans son atelier de Prenzlauerberg. Révoltée contre la misère, hantée par la mort de son fils, Käthe Kollwitz est une de ces artistes prodigieuses dont les œuvres sont pleines de souffrance et d’amour. D’humanité.
Weiβenburgerstraβe : cette rue n’existe plus. Aujourd’hui, elle porte le nom du locataire du numéro 25. Käthe Kollwitz. Ce petit bout de femme a habité avec sa famille dans le quartier ouvrier de Prenzlauerberg de 1891 à 1942. C’est ici que, confrontée à la misère au quotidien, elle commence à se révolter contre l’injustice sociale et la détresse humaine. « Je veux agir à cette époque où les gens sont si désemparés et ont tant besoin de secours » affirme-t-elle en 1922. La gravure, la sculpture et la lithographie seront ses armes. La pauvreté, la faim et la guerre ses ennemis. Un engagement socialiste et pacifiste qui lui vaudra d’être exclue de l’Académie des Beaux-Arts de Prusse en 1933, lors de l’arrivée d’Hitler au pouvoir.
Une mère obsédée par la Mort
Une reproduction de la Pietà (1937) trône au milieu de la « Nouvelle Garde » sur Unter den Linden.
Ce sont les tisserands de Silésie révoltés contre le pouvoir qu’elle dessine en 1898. C’est la dépouille du socialiste Karl Liebknecht qu’elle sculpte sur bois en 1919. Ce sont surtout ces soldats enrôlés qu’elle crayonne tels des fantômes hypnotisés par la propagande de guerre. Car le destin de Käthe Kollwitz bascule un jour d’octobre 1914 lorsque son fils Peter tombe au front en Belgique. Une mort qu’elle n’arrivera jamais à surmonter et qui hantera le reste de son œuvre. Ses lithographies tournent autour du triptyque de la mère, l’enfant et la Mort. On y voit des visages d’enfants apeurés, emportés par une mort personnalisée toute puissante. On y voit des mères désespérées et abattues par la perte de l’être aimé. Des femmes fortes et faibles à la fois, tantôt prêtes à faire « une tour de mères » pour protéger leur bien le plus cher, tantôt s’effondrant face au corps mort de la chair de leur chair. Sa Pietà nous dit toute la souffrance du deuil d’un parent. Sa sculpture d’une mère serrant ses enfants prisonniers entre ses cuisses et ses bras révèle la force de l’amour maternel.
Une femme tenace et pleine de vie
« Anruf auf Tod » 1934/35
Au fil des années et de ses œuvres, Käthe Kollwitz semble avoir apprivoisé la mort, tel un destin au devant duquel elle court – comme nous tous. En 1935, elle dessine une vieille femme qui sent une main sur son épaule et est prête à la suivre. « L’appel de la mort » se fait entendre. Ses autoportraits, tels un journal intime, sont d’une honnêteté absolue avec le spectateur. Les rides apparaissent avec le temps. En 1934, à 67 ans, l’artiste se représente le regard triste, le visage fatigué. Son silence l’a dit condamnée, alors qu’elle est déjà interdite d’exposer sous le Troisième Reich. Elle nous fixe droit dans les yeux, les lèvres quelque peu entrouvertes, sa main droite apposée sur son crâne. A travers le temps, elle semble nous transmettre le quelque peu de courage et d’espoir en un monde meilleur qui lui reste. C’est ce portrait d’une femme téméraire, forte et pleine d’amour qui demeure. Une artiste débordant d’humanité.
Cécile Leclerc (www.lepetitjournal.com/berlin.html) Juillet 2008
Le musée Käthe Kollwitz de Berlin regroupe un ensemble de 200 estampes et une série de 70 dessins et affiches originales, ainsi que 15 sculptures de bronze. Audio-guide en français – Fasanenstr. 24 – ouvert tous les jours 11h-18h. 5€/2,50€ http://www.kaethe-kollwitz.de/
mardi 14 octobre 2008
Juste pour dire....
que c'est une véritable lave brûlante qui monte, qui monte,
que je me demande souvent si le volcan va exploser,
que je sur-vis avec cette tête lourde,
que j'ai souvent envie de tout abandonner,
mais que, toujours, l'espoir revient au grand galop,
et que sans vous, ça serait pire que tout.
Que l'écriture me soulage.
Je rêve de retrouver un crâne paisible, pareil à ces montagnes enneigés...
jeudi 9 octobre 2008
Hier und da
(J'interromps cette rétrospective de mes articles écrits au Petit Journal pour vous partager un "texte" tout droit sorti de mon intimité, que j'ai retrouvé au fond d'un tiroir...)
Hier und da.
Du bist hier, ich bin hier.
Drinnen warm, kalt draußen
Die Gitarrensaite als Echo unserer Stimmen.
In dem gedämpften Licht
Dein glänzendes Gesicht.
Du bist hier, ich bin hier.
Der hellblaue Himmel der Nacht.
Unsere Körper vor Kälte erstarrt.
Das Rauschen des Windes in unseren Ohren
Hat uns den Wunsch gesungen.
Du bist hier, ich bin hier.
Warmes gemütliches Zimmer.
Unsere Augen blicken ineinander
Du in mir, ich in dir,
Musik unserer Atemzüge.
Du bist hier, ich bin da.
Die Zeit eilt wie der Wind
Und wartet nicht auf uns.
Die Melodie meiner Tränen
Und meiner Schritte – Vorwärts
Ich bin da.
DECOUVERTE - Voyage au bout du monde : les jardins de Marzahn
Berlin, ville verte ? On n’en doute plus. Mais saviez vous que le monde vous tend les bras dans la banlieue est de Berlin ? Le parc de Marzahn vous offre un voyage végétal à travers le temps et l’espace. Reportage dans ce petit Eldorado des sens.
Marzahn. Station de S-Bahn, tout le monde descend. Le bus 195 vous transporte, direction : le paradis. Oubliez les clichés banlieue, et commencez à rêver : vos pieds foulent l’herbe nue, vos joues sentent la légère brise du vent ? Vos yeux sont inondés du vert des arbres et du bleu du ciel ? Vous n’entendez plus que la mélodie de l’eau ? C’est bon, vous avez perdu pied, que l’évasion commence.
Des jardins asiatiques à la recherche de l’harmonie
Escale numéro 1 : Bali. Sous la serre : un temple, une chaleur tropicale, des fleurs luxuriantes. On verrait presque les nymphes divines danser sous nos yeux. Car ici, l’homme doit trouver l’harmonie parfaite avec lui-même, avec la nature mais également avec les dieux. Cette philosophie de vie se retrouve dans les autres jardins asiatiques. En Corée, vous vous trouvez dans « la maison de la joie solitaire », seul avec la forêt, l’eau et des pierres. La simplicité est de mise. Au Japon, vous suivez le cours d’eau comme vous suivez le cours de votre vie : en tourbillonnant, parfois en faisant marche arrière, et en terminant sur cette pelouse de cailloux ratissés. La perfection comme but ultime. Dernière escale asiatique, la Chine vous offre de grands espaces. Ses ponts transportent les promeneurs des lacs ornés de nénuphars aux pavillons chinois, dans lesquelles ils peuvent se poser sur un banc. Et trouver la joie et la sérénité dans l’isolement avec la nature.
Un havre de paix sensuel
Autre époque, autre lieu : voici un jardin de la Renaissance italienne, récemment inauguré. On s’imagine aisément un bal masqué entre les arbustes taillés et les fontaines chantantes, des femmes en robes bouffantes courant dans les rangées de ce jardin symétriquement parfait. Le tour du monde s’achève déjà, voici la dernière halte : le jardin oriental. Passez la porte de la mosquée et entrez au paradis tel qu’il est décrit dans le Coran : les arbres fruitiers sont en abondance, les fleurs dressent un tableau aux mille couleurs, l’eau jaillit de nulle part. Difficile de quitter ce palais des sens. Le temps s’est arrêté dans les jardins du monde de Marzahn. « Le parc pour se reposer » (Erholungspark) : tel est son nom. Qu’il en soit ainsi.
Cécile LECLERC (www.lepetitjournal.com/berlin.html)
Des jardins pour tous !
Famille : Des espaces pour courir, des terrains de jeux à dispositions entre les six jardins, et un labyrinthe rassemblant petits et grands… pour une durée indéterminée. Saurez vous en sortir ?
Flâneurs : Du gazon à perte de vue pour vous poser autour d’un bon bouquin. Des chaises et transats sont à disposition du public. Certains amènent même leur maillot de bain et crème de bronzage !
Personnes âgées : L’idéal pour se promener dans un grand espace vert : « ça permet de prendre l’air quand on habite dans une grande ville comme Berlin » témoigne cette allemande d’un certain âge. Si vos pieds sont fatigués, possibilité de se faire emmener par des voiturettes.
Snacks et cafés dans le parc. Arrêtez-vous notamment à la maison du thé du jardin chinois !
lundi 6 octobre 2008
HISTOIRE – Autour du Bundesrat, trois siècles d’histoire
De 1740 à nos jours, la Leipziger Straβe a vu passer Mendelssohn, Bismarck ou Göring. Dans les murs du Bundesrat, revivez les drames et les grandeurs qu’a connu Berlin ces trois derniers siècles.
Le Bundesrat, Leipziger Strasse
2000. Les organes politiques allemands emménagent à Berlin. Le Bundesrat, seconde chambre du Parlement, s’installe au numéro 3 de la Leipziger Straβe. Les travaux de rénovation viennent tout juste de s’achever. Douze fois par an, les représentants des Länder investissent ce haut lieu ayant traversé les trois derniers siècles.
D’une manufacture à la « Maison des Seigneurs prussiens »
1740. Au numéro 3 de la Leipziger Straβe, un palais baroque voit le jour sous le règne de Frédéric Guillaume Premier, roi de Prusse. Vingt ans plus tard, un commerçant y installera sa manufacture de soie. La maison voisine, le numéro 4, fera office de manufacture de porcelaine. L’industrie suit son cours.
Au XIXème siècle, le palais revient aux mains de la bourgeoisie : c’est la famille Mendelssohn-Bartholdy qui s’y installe. Les grands intellectuels de la société, tels les frères Humboldt, investissent les lieux. C’est d’ailleurs en ces murs que Felix Mendelssohn aurait composé la musique de son Songe d’une nuit d’été.
1851. Finis le commerce et les salons intellectuels, place à la politique ! Le bâtiment accueillera désormais les Seigneurs du royaume : 180 représentants de la noblesse prussienne, des princes de sang mais aussi des bourgeois élus au suffrage censitaire. Dans cette Chambre des pairs, point de débats houleux, mais un veto apposé de temps à autre à la Chambre des députés. Trente ans plus tard, les Seigneurs se voient privés de leur jardin : derrière leur palais se dresse le Landtag prussien au Niederkirchnerstraβe 5. Aujourd’hui, ce sont toujours des députés qui y siègent : ceux du Land de Berlin. Les deux bâtiments partagent encore une cour commune.
L'actuelle maison des députés, Niederkirchnerstraβe 5
Du Troisième Reich à la RDA
Le ministère des Finances ou l'architecture nazie au coeur de Berlin
1918. L’Empire allemand est mort, la République de Weimar naît difficilement de ses cendres. La Prusse n’est plus qu’un simple Land de la nouvelle Allemagne et son conseil siège dans l’ancienne Maison des Seigneurs. L’arrivée du NSDAP au pouvoir sonne la fin de la République. C’est Hermann Göring, haut-chef de l’Armée de l’air, qui s’installe au numéro 3 de la Leipziger Straβe. Jugeant le palais trop étroit, il fait construire en 1936 un gigantesque Ministère de l’aviation du Reich au numéro 5 de la Leizigerstraβe. 2000 bureaux, 56000m² de surface : le bâtiment impressionne et domine la Wilhelmstraβe. Après la guerre, le régime du SED (le PC allemand de l’Est) y installera sa Maison des Ministères, tandis que la Commission au Plan travaillera dans la maison voisine…. dans l’ancienne Maison des Seigneurs. Au bout de la rue, on pourra alors apercevoir le mur séparant l’Est de l’Ouest sur la Potsdamer Platz. Aujourd’hui, le Ministère des Finances loge dans le bâtiment d’architecture nazie, aux côtés du Bundesrat et de la Maison des députés berlinois. Trois organes politiques éminents dans plusieurs dizaines de mètres carrés traversés par l’histoire allemande. Une rue chargée du passé. Désormais tournée vers l’avenir.
Cécile Leclerc (www.lepetitjournal.com/berlin.html) Juin 2008
samedi 20 septembre 2008
BALADE – Postdam, un jour en Prusse
Sévèrement bombardée pendant la guerre et durablement ancrée en RDA, Potsdam retrouve aujourd’hui sa splendeur passée, du temps des rois de Prusse. Prenez le temps de flâner dans cette cité perchée au bord de la Havel…et revenez y !
Un bout d’Hollande (Photo. LPJ-Cécile Leclerc)
Vous êtes arrivés à la gare de Potsdam. Vous voici prêt à traverser la Havel et à affronter les grues et autres engins de travaux. Car la seconde capitale de Prusse –après Berlin– se refait une beauté. Sur la Yorckstraβe ou la Brandenburgerstraβe, de superbes maisons baroques défilent sous vos yeux, donnant des teintes orangées, roses et jaunes à la vieille ville. Parfois, une façade délabrée rappelle que le Brandenbourg était en RDA. Derrière la place du Bassin surplombée par l’Eglise St Pierre St Paul de style byzantino-roman, voici la « petite Hollande de Prusse ». L’empereur Frédéric Guillaume Ier fit aménager ces quelques 150 maisons à partir de 1734 pour accueillir des artisans néerlandais réputés dans l’art d’assécher les terrains marécageux. Aujourd’hui, il fait bon flâner dans ce quartier hollandais, abritant des cafés, galeries d’art et autres antiquaires.
Sans Souci, le Versailles prussien
Le château rococo de Frédéric le Grand (Photo. LPJ-Cécile Leclerc)
Poussez désormais jusqu’au parc royal. Lorsqu’il arrive sur le trône en 1740, Frédéric II se fait construire, sur ses propres plans, une nouvelle résidence. Souverain éclairé, ami des arts et francophile –on raconte même qu’il maîtrisait mieux la langue française que celle allemande–, le roi baptise son château « Sans Souci » : tout un programme ! C’est ici, dans ce chef d’œuvre rococo, que Frédéric le Grand donne ses dîners philosophiques, accompagné de philosophes, peintres et musiciens. Voltaire participera trois années durant à ces soupers dans la grande salle de marbre d’un blanc éclatant. Carl Philippe Emmanuel, le second fils de Bach, jouera de la flûte traversière avec le souverain dans le salon de musique blanc et or. La profusion est de mise dans le décor intérieur comme dans celui extérieur. Laissez vous tenter par une visite…avec des chaussons de feutre : du kitsch jusqu’au bout des pieds ! Dehors, la vue est imprenable : le château jaune domine six terrasses de vignes, d’arbustes, de fleurs et de fontaines. A votre droite, le palais des invités. A votre gauche, la galerie de tableaux qui abrite aujourd’hui des œuvres de maître italiens, flamands et hollandais.
Un parc enchanteur aux demeures fantaisistes
Le Nouveau Palais : tout en profusion ! (Photo. LPJ-Cécile Leclerc)
Continuez votre promenade dans un parc de 290hectares regroupant quelques 400 variétés exotiques, où trônent, ici ou là, héros et dieux de la mythologie gréco-romaine. Arrêtez vous devant le très charmant pavillon chinois aux statues dorées et aux couleurs verte et rosée, miroir de l’enthousiasme de l’Europe baroque pour la culture orientale. Le belvédère de style italien et la maison du dragon, logement du vigneron attitré du roi bâti en 1770, valent également le détour. Quelques mètres plus loin, Frédéric Guillaume IV construit un siècle plus tard son Orangerie à la manière des villas romaines. Mais revenons à Frédéric le Grand : au roi philosophe se substitue souvent le monarque qui entend gouverner seul, le conquérant militaire qui doublera l’étendue de la Prusse en 46 ans de règne. Suite à la Guerre de Sept ans, il compte montrer au monde la puissance et la force de la Prusse en construisant le Nouveau Palais. Comprenant 400 pièces (on est loin des 12 pièces du premier château), la bâtisse surplombe le parc dans un style rococo tardif et surchargé. Un théâtre de plus de 300 places, une salle de la grotte au décor marin opulent : une réelle « fanfaronnade », d’après le roi lui-même. Au château Sans-Souci la grâce, au Nouveau Palais l’extravagance. Les architectures foisonnent à Potsdam, faisant du parc un véritable lieu de rêverie. Une promenade…Sans Souci, on vous dit !
Cécile Leclerc (www.lepetitjournal.com/berlin.html) 2008
Potsdam, c’est aussi…
- Un p’tit bout de Russie : Suite au Congrès de Vienne de 1815, célébrant la victoire des monarchies européennes contre Napoléon, Frédéric-Guillaume III fait construire 13 maisons de style russe pour loger 26 soldats, cadeau du tsar Nicolas 1er. La colonie russe « Alexandrowka » est aujourd’hui un coin d’évasion au cœur de la forêt. Montez jusqu’au Belvédère (1849) pour avoir un panorama exceptionnel sur la ville et ses environs.
- Le théâtre de la Seconde guerre mondiale : Du 17 juillet au 2 août 1945, les Alliés se réunissent au château Cecilienhof, un pastiche de manoir anglais qui fut le dernier château des Hohenzollern. Les délégations britanniques, américaines et soviétiques s’entendent sur les nouvelles frontières de l’Allemagne, découpée en 4 zones. Les dissensions se font déjà entendre, c’est le début de la guerre froide. Pour visiter la toile de fond du Traité de Potsdam : http://www.spsg.de/index.php?id=126
- L’empire du cinéma allemand: à quelques kilomètres de Potsdam, Babelsberg est la ville où sont nés les plus grands films du cinéma d’avant-guerre. Un grand hall de briques abritait les studios de Fritz Land ou de Josef von Sternberg. C’est là que Marlène Dietrich devint l’Ange Bleu. Aujourd’hui, le site est un parc d’attraction dédié au cinéma. http://www.filmpark-babelsberg.de/index.php?id=254
Informations touristiques : http://www.potsdamtourismus.de/
S7 – Potsdam ou Regional Express DB
Bus “Schlösser Linie” 695 pour aller à Sans-Souci
Informations sur le domaine de Sans-Souci, inscrit d’ailleurs au patrimoine de l’UNESCO : http://www.spsg.de/index.php?id=32
mercredi 17 septembre 2008
PEINTURE (2) – George Grosz, un peintre qui choque
Actuellement exposé à l’Expressionale, George Grosz interpelle. Pionnier du mouvement de la Nouvelle Objectivité, il a mis fin aux effusions sentimentales des expressionnistes, en critiquant fermement la réalité de la République de Weimar. Eléments pour comprendre un peintre rebelle.
L’intensité expressive, l’absence de normes, les couleurs agressives : la Neue Sachlichkeit (Nouvelle Objectivité, Nouveau réalisme) est bien la fille de l’expressionnisme allemand. Mais la Première guerre mondiale ayant ravagé l’Europe et détruit la Prusse confère aux artistes une nouvelle responsabilité politique. Désormais, l’art est une arme.
Retour à la réalité
Otto Dix, Wildwest, 1922
L’Allemagne de Weimar a du mal à se relever de la guerre des tranchées. La pauvreté règne, seuls les « opportunistes de guerre » s’en sortent. Dès lors, les artistes allemands utilisent leur pinceau à des fins politiques et crient aux inégalités sociales. Les toiles ne sont plus le reflet des émotions secrètes du peintre, mais celui de la société malsaine et corrompue de l’après guerre. La volonté de représenter le réel en vue de le changer l’emporte sur le désir de partager son ressenti. « Tout art est exorcisme » disait Otto Dix. Considéré comme un « art dégénéré » par les nazis, le mouvement s’éteint en 1933, en même temps que son père l’expressionnisme.
George Grosz, la caricature dans l’âme
George Grosz, Schönheit, dich will ich preisen, 1919
L’exposition l’Expressionale est l’occasion de découvrir un des maîtres de cette école allemande : Georg Groβ, qui changera son nom en anglais par provocation vis-à-vis de la haute société allemande anglophobe. Par l’exagération caricaturale, le peintre montre avec vérisme l’état de la société de l’après guerre. Tout le monde y passe : les gros propriétaires terriens (bien gras), les prussiens haut-fonctionnaires (avec le monocle), les bourgeois passifs (avec une bouteille à la main), le clergé et les militaires. Des profiteurs de guerre : voilà ce qu’ils sont ! L’artiste observe la réalité quotidienne et assassine ses concitoyens avec ses crayons. Ses œuvres témoignent de son don de visionnaire. En 1921, Grosz dessine déjà des croix gammées sur les cravates des politiciens opportunistes…alors que le NSDAP n’est pas encore connu à Berlin. Fervent communiste, il dénonce d’abord la répression absolue de la Révolution communiste de 1918 dans son tableau « Le droit habite chez les plus puissants » (Das Recht wohnt beim Überwaltiger ») Mais un voyage de cinq mois en URSS en 1922 le conduira à quitter définitivement le parti communiste allemand. Une lucidité précoce sur le caractère dictatorial du régime soviétique.
Des œuvres érotiques
Début janvier 1933 : Grosz quitte l’Allemagne pour les Etats-Unis, craignant l’arrivée d’Hitler au pouvoir…ce qui sera chose faite à la fin du mois. Là-bas, il troquera les caricatures politiques pour des caricatures érotiques. L’exposition l’Expressionale présente une trentaine de ces œuvres surprenantes pour l’époque. Entre animalité et humanité, les êtres sont peints avec une certaine pureté. Le peintre se représente d’ailleurs à plusieurs reprises assouvissant ses fantasmes. Et ajoute un pénis aux femmes… pour mieux percer le secret de leur jouissance sexuelle. Ces œuvres hors du commun sont sûrement réunies ensemble pour la dernière fois. Comme la plupart des tableaux de l’Expressionale, ceux de Grosz sont également destinés à la vente. Quand commerce et art font bon ménage. Une chose qui aurait certainement déplu à l’artiste engagé.
"Kauernder Rückenakt nach links und sitzender Maler",1940
Cécile Leclerc (www.lepetitjournal.com/berlin.html)
dimanche 14 septembre 2008
PEINTURE (1) – L’expressionnisme allemand, des états d’âme sur une toile
(Mon séjour chez Le petit Journal de Berlin est maintenant terminé, une page s'est tournée, une autre est en train de s'écrire à Strasbourg! A vous qui n'avez peut être pas pu lire tous les articles publiés sur le site du journal, voici une sélection de mes articles "coups de coeur"! Bonne lecture!)
Cet été, deux musées berlinois consacrent leurs expositions à la peinture expressionniste allemande. L’occasion de revenir sur un des plus grands mouvements artistiques de l’Allemagne. Et de découvrir un de ses maîtres.
Début du XXème siècle. Le nationalisme gronde, la guerre se fait proche. La psychanalyse apparaît, on extériorise ses angoisses. Alors que la photographie se perfectionne, l’art pictural perd sa fonction privilégiée de reproduction objective de la réalité. Les artistes d’Europe du Nord se tournent vers la projection de leur subjectivité. L’expressionnisme voit le jour.
S’affranchir des normes, délivrer ses émotions
Josef Scharl : Straβenszene (1930) http://www.expressionale.de/
Fini l’impressionnisme français de Cézanne et Renoir qui s’attache à décrire la réalité physique des choses. Finies les reproductions impeccables de paysages du naturalisme. Détruire les vieilles conventions : tel est le mot d’ordre des premiers expressionnistes allemands. L’artiste doit donner libre cours à son inspiration. Sa toile devient le lieu de l’épanchement de ses émotions. Une scène de rue, un rire, un visage, un corps nu : la simplicité est de retour, l’individu au centre de l’attention. Les peintres allemands tournent le dos à l’industrialisation et se dressent contre l’académisme de la société. Point de perspective dans leurs œuvres mais des lignes acérées et des couleurs criardes. En somme, une peinture agressive pour atteindre la plus grande intensité expressive. Un art qui sera qualifié de « dégénéré » par les nazis. L’arrivée d’Hitler au pouvoir en 1933 marque la fin de l’expressionnisme allemand. De nombreuses œuvres sont détruites ou brûlées, les artistes s’exilent ou se suicident.
Ernst-Ludwig Kirchner, pionnier de l’expressionnisme allemand
Amerikanische Tanzpaar, 1910/1911
En 1905, Kirchner fonde avec trois autres peintres le mouvement « Die Brücke » (le pont). Leur mot d’ordre : s’affranchir du style académique et ouvrir de nouveaux chemins dans l’expression artistique. A l’occasion des 70 ans de la mort de l’artiste, qui s’est suicidé en 1938, ne supportant plus de voir qu’on assassine son œuvre sous ses yeux, le « Brücke-Museum » de Dahlem lui rend hommage par trois expositions en 2008 et 2009. La première, « Meisterblätter », présente une centaine de ses œuvres. Griffonnées au crayon de mine ou à la craie, ses dessins sont le miroir de ses émotions. Le fond prime sur la forme. Quelques traits suffisent, qu’ils soient fins à l’encre de chine ou gras au charbon, les formes prennent vie : le rebord d’une fenêtre, le sommet d’une montagne, un sein rond, un entrejambe. Kirchner croque aussi bien les villes de Dresden et Berlin et les montagnes de Suisse que ses concitoyens bourgeois. A l’honneur : la beauté féminine. Seules ou en couples, les femmes sont nues sur des tableaux dénudés. Le vide a sa place dans ces portraits où la simplicité est de mise. Des couleurs acides viennent parfois embellir le tout. Ici, un fond vert turquoise. Là, une ligne orangée et un gribouillage rouge. « Kircher dessine comme d’autres écriraient » affirme l’artiste lui-même. Ses toiles sont le reflet de son vécu et de ses sentiments. Et nous inspirent à notre tour de l’émotion.
Ernst Ludwig Kirchner, Paar, 1908
Cécile Leclerc (www.lepetitjournal.com/berlin.html)
mardi 22 juillet 2008
migr(H)AINE
Je tourne et retourne les lettres dans ma petite tête. Dans ce qu'il en reste.
Mon cerveau est encerclé par ce sang qui frappe, bat, bout. Je vais exploser, c'est pas possible.
Rideaux clos, Chopin en fond sonore (niveau 4), je m'immerge sous la couette. Noir Noir Noir Noir: est ce moi, ça? BUNT, où es tu donc passée?
JE est un autre. Le corps et l'esprit. Deux entités. Unité, reviens moi!!
Froid et chaud, chaud et froid. Envie de jeter ma cervelle contre un mur, envie de sortir de ce corps souffrant, envie de pleurer, envie de rien. L'espoir du lendemain, d'un jour sans ce sang envahissant mes tempes...
SATT!
Un ciel-évasion...
De mon balcon
mercredi 4 juin 2008
Le petit journal
Pour me lire : http://www.lepetitjournal.com/berlin.html
Je vous laisse deviner le sujet de mon premier article :-) Indice: il paraîtra seulement dans 13 jours !!
Bien à vous, Cécile
mercredi 14 mai 2008
Mémoire(s) en Allemagne du 17 juin 1953
Mémoire, mon beau mémoire, te voilà terminé!
Résumé de mon travail de recherche (pour les intéressés, je peux vous l'envoyer par mail)
Quelle place pour le 17 juin 1953 dans l’Allemagne d’aujourd’hui ?
Près de vingt ans après la réunification allemande, il est intéressant de s’interroger sur la mémoire de cette insurrection populaire née à Berlin, puis propagée dans toute la RDA. Survenue quelques années à peine après la chute du régime nazi, le 17 juin 1953 s’inscrit dans la tradition des soulèvements d’Europe de l’Est contre les régimes communistes.
Basée sur un travail de terrain réalisé au cours de l’année de mobilité, cette étude vise à dresser un état des lieux de la mémoire collective allemande en 2007. Quelle lecture du 17 juin 1953 est faite par les divers acteurs sociaux et politiques ? De quelle manière cette instrumentalisation du passé permet de répondre aux besoins du présent ?
Loin d’aider à la constitution d’une identité commune à l’Allemagne réunifiée, le 17 juin est aujourd’hui au cœur d’une « compétition mémoriale ». Historiens, partis politiques, journaux, institutions publiques et associations privées cherchent à imposer leur propre interprétation de l’événement. Entre exacerbation et occultation, travestissement et tabous, travail de mémoire quotidien et silence constant, la date fait l’objet de toutes les controverses.
Face à la multitude de ces mémoires, le citoyen allemand reste désintéressé, tourné vers l’avenir. En ce sens, le 17 juin est révélateur du rapport ambigu de la société allemande à son passé. Il fait honte et ne permet pas de construire un héritage commun, quel qu’il soit. La page de la partition du pays est déjà tournée, l’indifférence est ancrée dans les mœurs.
Entre passé et présent, la mémoire invite aussi à se poser la question du futur : ne va-t-on pas vers une disparition du 17 juin de l’espace public ?
jeudi 27 mars 2008
A quelques mois des JO de Pékin : pour un boycott de la cérémonie d’ouverture
Le passage à la démocratie des régimes autoritaires d’Amérique Latine ou –ce qui nous est plus proche- des pays communistes d’Europe de l’Est est le fruit d’une subtile combinaison d’un bouillonnement interne et d’une poussée externe. Les citoyens des Lundis de Leipzig ont manifesté des semaines durant pour une « liberté durable », tandis que les pays de la Communauté Economique Européenne de l’époque et les Etats-Unis n’ont cessé dès les années 1980 de revendiquer une démocratisation de ces régimes d’Europe de l’Est. Et que dire de Ceaucescu, tombé –en partie- par la pression des pays externes ?
Le rôle de la diplomatie en matière de démocratisation n’est plus à démontrer. Il n’est pas question d’ingérence mais de prise de position en matière de droits de l’homme et de libertés fondamentales. Le silence peut à l’inverse coûter très cher.
Les événements actuels du Tibet sont uniques. Les derniers grands mouvements de protestation remontent à l’année de la chute du mur de Berlin, c’est dire. Les démocraties du monde entier ont ici un rôle à jouer : il est de leur devoir de faire pression sur Pékin, afin de mettre fin à la tutelle chinoise sur le peuple tibétain. L’occasion ne se représentera pas de sitôt. Alors que la marmite bout, il faut pousser la main chinoise à soulever le couvercle.
Alors quoi ?
Les beaux discours ne suffisent pas. Un boycott des JO dans leur intégralité paraît difficile. Il ne s’agit pas de priver les athlètes d’une compétition sportive attendue. En revanche, l’appel d’Asie Reporters sans frontières à un boycott de la cérémonie d’ouverture pourrait faire son effet. Le sport est lui aussi politique : le président chinois va tout de même déclarer ouverts les JO, proclamant ainsi les valeurs du sport, tels le fair-play, la participation de tous, le respect des concurrents. Contraste saisissant avec la situation interne de son pays.
Si les chefs d’Etat des nations démocratiques du monde entier font figure de grands absents, Pékin recevra une claque en pleine figure. Un Etat n’est rien sans souveraineté externe, c’est-à-dire sans reconnaissance sur la scène internationale. Le gouvernement devra revoir sa politique envers le Tibet, mais également envers les autres minorités écrasées. Se sentant soutenu par l’extérieur, les victimes de la politique chinoise gagneront en courage.
Si, à l’inverse, les chefs d’Etat s’assoient les yeux fermés aux côtés des autorités chinoises, la cérémonie d’ouverture des JO sera celle de la consécration de la Chine dictatoriale –et la remise en cause des belles valeurs du sport. Pékin aura son feu vert pour maintenir sa domination sur le peuple tibétain, et ce, pour un certain temps.
Cette comédie a assez duré. Nos chefs d’Etat doivent prendre leurs responsabilités en main et réfléchir sérieusement aux conséquences de tels actes.
samedi 16 février 2008
Berlin, mon amour
Berlin : je ne connaissais pas grand-chose sur cette ville dont je suis vite tombée amoureuse. Son histoire m’a passionnée : lieu de toutes les tragédies allemandes du XXème, de nombreux quartiers témoignent de son passé. Le feu de la Potsdamer Platz rappelle que cette place était le centre des Années Folles, les rares vieilles bâtisses laissent imaginer la période prussienne… Car Berlin paraît jeune, neuve, sans histoire avant la fin de la seconde guerre mondiale. Tout a été détruit : ne restent que les endroits connus (ici devait être le Bunker d’Hitler ; ici était situé le château prussien ; …). Le musée de l’histoire de l’Allemagne témoigne de ce passé, les films des Alliés montrent Berlin à nu, en ruines, à l’heure « Zéro » (« Stunde Null »). L’Unter den Linden n’est en fait qu’une reconstitution (de grands bâtiments blancs imposants) et ça se sent.
C’est donc dans une ville moderne, pleine de ressources, riche historiquement parlant que j’ai établi refuge. Toutefois, la fracture Est-Ouest est encore perceptible dans l’architecture communiste typique de l’Est et dans le bas coût de la vie (loyers, denrées,..) : pas étonnant que la plupart des étudiants s’installent à l’Est. Toutes les blessures ne sont pas refermées : le vent d’Ost-algie soufflant sur les « nouveaux Länder » se fait entendre à Berlin. Les jeunes ne se différencient plus (on est européen avant tout, puis allemand), mais je perçois tout de même une certaine fierté des jeunes originaires de RDA. Mes amitiés nouées ont permis de m’en rendre compte : ils n’ont pas vécu la même histoire, et considèrent la réunification comme une absorption de la RDA par la RFA plus que comme la création d’un nouvel Etat. Cela se ressent d’autant plus chez les « plus âgés » (grand-parents d’amis). D’ailleurs, à Berlin, on est fier d’avoir son Ampelmann (feu de signalisation routière différent et typique de l’Est), même si celui-ci est vite devenu objet de consommation touristique.
Berlin est avant tout la capitale politique de l’Allemagne réunifiée : son quartier politique aux bâtiments modernes transparents situé sur les deux rives de la Spree est un monde à part. Pour mon plus grand intérêt, Berlin a joué un rôle primordial en ce début d’année 2007 : à la fois présidente du G8 et présidente du Conseil Européen. J’ai d’ailleurs eu l’honneur de participer à l’Europafest de mars 2007 célébrant les cinquante ans des Traités de Rome. Vivre au cœur de la capitale allemande m’a permis de m’intéresser de plus près à l’actualité politique du pays, notamment par la lecture de l’hebdomadaire Der Spiegel.
Enfin, vivre à Berlin signifie vivre dans une ville allemande, vivre « à l’allemande ». Je connaissais les habitudes alimentaires des allemands : petit déjeuner à la hâte le matin, parfois un petit encas vers 11h, un petit plat pour le déjeuner à n’importe quelle heure (entre 12h et 15/16h), Abendbrot à partir de 18h (point de repas, mais de la charcuterie, fromage et autres sur du pain). En Allemagne, on mange dès lors que l’on a faim. Je me suis rapidement fait à ce rythme, notamment en délectant les diverses sortes de Brötchen (petits pains) aussi bien au pavot, aux noix, aux graines de tournesol, aux graines de citrouille,…. Si un petit creux se fait sentir, les allemands n’hésitent pas à sauter sur les Bretzel (délicieuse pâte de brioche salée) ou sur la spécialité berlinoise : la Curry Wurst, soit la traditionnelle saucisse allemande mais à la sauce curry. De nombreux marchands déambulent les rues avec leurs barbecues en ceinture et en vendent aux passants affamés. Lors des repas « de fête », il est de coutume de manger un bon plat vers midi, de faire une pause, et de reprendre du gâteau vers 16h avec du café (café au lait ou à la crème). Les gâteaux allemands sont succulents (au fromage blanc, aux fruits,..) mais toujours bien lourds. J’ai réussi à obtenir quelques recettes secrètes des grand-mères ! Enfin, les allemands sont de vrais buveurs de bière (il ne s’agit pas d’un cliché). Ils peuvent en avaler un certain nombre à la suite. J’ai moi-même appris à différencier les bières des différents Länder.
Mais les coutumes alimentaires ne sont pas un critère descriptif suffisant. Vivre en Allemagne un an m’a permis de constater que les allemands ont un sens civique plus développé que le nôtre. En témoigne le tri sélectif systématique entré dans les mœurs : nous avions quatre poubelles dans notre cuisine (une pour le papier, une pour le verre, une pour les points jaunes, une pour les détritus). On trouve même ces poubelles dans les lieux publics. De plus, presque toutes les bouteilles de verre et de plastique sont consignées. Il est d’usage de payer une bouteille de bière à un prix plus élevé, de la conserver, et de la ramener dans un magasin afin de récupérer une caution. Tous les supermarchés sont équipés de ce genre de machine. Là encore, une idée à creuser et à exporter chez nous… Cela dit, Berlin n’est pas la ville la plus représentative de la conscience écologique des allemands. Des progrès sont encore à réaliser (concernant la propreté des rues par exemple).
Dix mois. Près de 300 jours. J’ai tellement vécu, découvert, appris, rencontré, visité et aimé lors de ce séjour. Je suis devenue Berlinoise. Et c’est le cœur gros que j’ai quitté la capitale allemande…
« Die Berliner sind unfreundlich und rücksichtslos, ruppig und rechthaberisch, Berlin ist abstoβend, laut, dreckig und grau, Baustellen und verstopfte Straβen wo man geht und steht – aber mir tun alle Menschen leid, die hier nicht leben können ! »
Anneliese Bödecker
« Les Berlinois sont antipathiques, sans égards pour autrui et grossiers. Ils aiment avoir le dernier mot ; Berlin est repoussant, bruyant, sale et gris ; à chaque coin de rue, il y a des travaux, les rues sont bouchonnées – pourtant, je plains tous les gens qui n’ont pas la chance de vivre ici ! »
lundi 28 janvier 2008
Des mots à expulser...
Un homme. Sans papiers. Marié à une femme. Avec papiers. Qui disent: "nationalité: française". Expulsé malgré tout. Droit à fonder une famille, as-tu toi aussi été "repoussé à la frontière" ?
Des quotas. Des cas. Des dossiers. Des chiffres dénués d’humanité. Des expulsions dans le silence.
Des centres de rétention en périphérie des villes. Des barbelés. Cachés.
Un voisin. Un camarade d’école. Un regard croisé dans la rue. La vie continue.
Immigration. Intégration. Identité Nationale. Des mots. Des amalgames. Des confusions.
Citoyenneté ? Nationalité ? Humanité ? Vérité ?
La réalité : Sans papiers ils sont. Sans mots je suis.
samedi 5 janvier 2008
Strasbourg n'est pas Bruxelles
1999. La Seconde guerre éclate en Tchétchénie. Le semblant de paix aura été de courte durée. Peu importe ici l’enjeu du conflit, le résultat est là : « opérations de nettoyages », pratiques d’enlèvement, de tortures, de prises d’otages, de détention dans les prisons illégales, bombardements d’étranges convois humanitaires, actes de racket, détentions arbitraires, disparitions forcées, extorsions de fonds, exécutions sommaires,… La liste est longue. Un véritable régime de terreur s’instaure en Tchétchénie. Silence, on tue.
Depuis huit années, les ONG dénoncent de tels crimes. La FIDH (Fédération Internationale des droits de l’Homme) et le Centre des droits de l’Homme « Mémorial » ne cessent de rapporter ces exactions sur la scène publique et de réclamer justice.
Après de l’ONU, tout d’abord. A peine quelques déclarations de conformité. Aucune enquête. La faiblesse de l’organe international a –une fois de plus- été démontrée. Face à la souveraineté étatique, l’ONU fait profil bas. Sans compter sur le véto du géant russe au Conseil de Sécurité. A l’heure où Poutine présente la répression en Tchétchénie comme faisant partie de la lutte contre le terrorisme international, le consensus international est de fermer les yeux. Le projet de résolution sur la Tchétchénie par la Commission des droits de l’Homme de l’ONU de 2003 a même été rejeté. L’impunité des autorités russes est la règle. Peine perdue. Triste constat.
Deuxième essai : l’Union Européenne. Voisine de la Russie depuis l’élargissement de 2004, Bruxelles avait ici l’opportunité de se hisser sur la scène internationale. La récente instauration d’un mécanisme de dialogue structuré et régulier entre les deux puissances sur la situation des droits de l’Homme fait alors figure de vitrine des bonnes intentions des européens. La réalité : les enjeux économiques restent maîtres des relations russo-européennes, il faut garantir la sécurité dans l’approvisionnement en énergie, les résolutions relatives aux violations commises en Tchétchénie attendront. Realpolitik dans toute sa splendeur. Et pour se donner bonne conscience, l’UE joue la carte du Conseil de l’Europe et de sa CEDH. Confusion sur confusion. Un petit rappel s’impose.
1950. L’heure est à la réconciliation. Se créé un club de démocraties européennes baptisé « Conseil de l’Europe » (petite parenthèse : auquel se joindra la Turquie 10 années plus tard…). Dans un idéal de promotion et de défense des droits de l’Homme naît la Convention Européenne des droits de l’Homme. Sa cour (la CEDH) siége à Strasbourg. Pilier juridique.
1952. Naissance de la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier, grande sœur de la Communauté Economique Européenne dont nous avons célébré les 50 ans en 2007. Pilier économique.
Deux entités différentes à l’origine. Au fil des années, la CEE a évolué, devenant une Union en 1992 par le traité de Maastricht. Coopération politique et coopération juridique interne font désormais parties de ses piliers. Il faut du temps pour approfondir ses relations.
La CEDH, elle, se distingue comme une entité juridique reconnue à l’échelle internationale, capable de juger les crimes des droits de l’Homme commis par un de ses Etats-membres à la lumière de sa Convention (qui a, d'ailleurs, inspiré la Charte Européenne des droits fondamentaux adoptée lors du traité de Nice en 2000, c'est dire la force des liens CEDH-UE). La Russie ayant rejoint le Conseil de l’Europe en 1998, la CEDH est apparue comme le dernier frein aux crimes commis contre les Tchétchènes aux yeux des ONG.
Troisième essai… réussi. Le
Mais que représentent 16 arrêts (rendus entre 2005 et 2007) concernant 16 affaires tchétchènes face au nombre de crimes commis ? La banquise cache l’iceberg. Même les arrêts rendus ont leurs limités : absence de force exécutoire (la CEDH ne disposant pas de pouvoir coercitif, la souveraineté étatique primant encore et toujours) ; absence d’enquêtes indépendantes par des experts lors de l’établissement des faits et donc confiance à l’Etat russe dans la transmission des preuves ; refus de la Cour d’utiliser des présomptions (par exemple, refus de statuer dans une affaire alors qu’il y avait des doutes objectifs quant à la formation d’un couloir humanitaire par les autorités russes dans le but d’y attirer des civils). On est plus dans le symbolique que dans le concret. Malgré ces limites propres à la CEDH, on ne peut que souligner le caractère novateur de ces arrêts. Un pavé dans la mare a été lancé. D’autres sont attendus.
Aujourd’hui, il est clair que l’Union Européenne faillit à son rôle en « se reposant sur » la CEDH. Mais Strasbourg n’est pas Bruxelles. Une condamnation juridique rendue par une Cour indépendante concernant des affaires individuelles n’équivaut pas à une condamnation politique. Inutile d’espérer du côté de l’ONU. L’UE a ici un rôle à jouer. Elle ne devrait pas oublier qu’elle reste le partenaire commercial numéro un de la Russie et que les fonds financiers qu’elle lui apporte par le biais du programme TACIS sont nécessaires. Elle a le devoir de s’exprimer si elle veut s’affirmer comme puissance politique majeure sur la scène internationale.
Mais pour l’instant : ONU : 0 – UE : 0 – CEDH :1.