mercredi 17 septembre 2008
PEINTURE (2) – George Grosz, un peintre qui choque
Actuellement exposé à l’Expressionale, George Grosz interpelle. Pionnier du mouvement de la Nouvelle Objectivité, il a mis fin aux effusions sentimentales des expressionnistes, en critiquant fermement la réalité de la République de Weimar. Eléments pour comprendre un peintre rebelle.
L’intensité expressive, l’absence de normes, les couleurs agressives : la Neue Sachlichkeit (Nouvelle Objectivité, Nouveau réalisme) est bien la fille de l’expressionnisme allemand. Mais la Première guerre mondiale ayant ravagé l’Europe et détruit la Prusse confère aux artistes une nouvelle responsabilité politique. Désormais, l’art est une arme.
Retour à la réalité
Otto Dix, Wildwest, 1922
L’Allemagne de Weimar a du mal à se relever de la guerre des tranchées. La pauvreté règne, seuls les « opportunistes de guerre » s’en sortent. Dès lors, les artistes allemands utilisent leur pinceau à des fins politiques et crient aux inégalités sociales. Les toiles ne sont plus le reflet des émotions secrètes du peintre, mais celui de la société malsaine et corrompue de l’après guerre. La volonté de représenter le réel en vue de le changer l’emporte sur le désir de partager son ressenti. « Tout art est exorcisme » disait Otto Dix. Considéré comme un « art dégénéré » par les nazis, le mouvement s’éteint en 1933, en même temps que son père l’expressionnisme.
George Grosz, la caricature dans l’âme
George Grosz, Schönheit, dich will ich preisen, 1919
L’exposition l’Expressionale est l’occasion de découvrir un des maîtres de cette école allemande : Georg Groβ, qui changera son nom en anglais par provocation vis-à-vis de la haute société allemande anglophobe. Par l’exagération caricaturale, le peintre montre avec vérisme l’état de la société de l’après guerre. Tout le monde y passe : les gros propriétaires terriens (bien gras), les prussiens haut-fonctionnaires (avec le monocle), les bourgeois passifs (avec une bouteille à la main), le clergé et les militaires. Des profiteurs de guerre : voilà ce qu’ils sont ! L’artiste observe la réalité quotidienne et assassine ses concitoyens avec ses crayons. Ses œuvres témoignent de son don de visionnaire. En 1921, Grosz dessine déjà des croix gammées sur les cravates des politiciens opportunistes…alors que le NSDAP n’est pas encore connu à Berlin. Fervent communiste, il dénonce d’abord la répression absolue de la Révolution communiste de 1918 dans son tableau « Le droit habite chez les plus puissants » (Das Recht wohnt beim Überwaltiger ») Mais un voyage de cinq mois en URSS en 1922 le conduira à quitter définitivement le parti communiste allemand. Une lucidité précoce sur le caractère dictatorial du régime soviétique.
Des œuvres érotiques
Début janvier 1933 : Grosz quitte l’Allemagne pour les Etats-Unis, craignant l’arrivée d’Hitler au pouvoir…ce qui sera chose faite à la fin du mois. Là-bas, il troquera les caricatures politiques pour des caricatures érotiques. L’exposition l’Expressionale présente une trentaine de ces œuvres surprenantes pour l’époque. Entre animalité et humanité, les êtres sont peints avec une certaine pureté. Le peintre se représente d’ailleurs à plusieurs reprises assouvissant ses fantasmes. Et ajoute un pénis aux femmes… pour mieux percer le secret de leur jouissance sexuelle. Ces œuvres hors du commun sont sûrement réunies ensemble pour la dernière fois. Comme la plupart des tableaux de l’Expressionale, ceux de Grosz sont également destinés à la vente. Quand commerce et art font bon ménage. Une chose qui aurait certainement déplu à l’artiste engagé.
"Kauernder Rückenakt nach links und sitzender Maler",1940
Cécile Leclerc (www.lepetitjournal.com/berlin.html)
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