Elle sculptait et lithographiait dans son atelier de Prenzlauerberg. Révoltée contre la misère, hantée par la mort de son fils, Käthe Kollwitz est une de ces artistes prodigieuses dont les œuvres sont pleines de souffrance et d’amour. D’humanité.
Weiβenburgerstraβe : cette rue n’existe plus. Aujourd’hui, elle porte le nom du locataire du numéro 25. Käthe Kollwitz. Ce petit bout de femme a habité avec sa famille dans le quartier ouvrier de Prenzlauerberg de 1891 à 1942. C’est ici que, confrontée à la misère au quotidien, elle commence à se révolter contre l’injustice sociale et la détresse humaine. « Je veux agir à cette époque où les gens sont si désemparés et ont tant besoin de secours » affirme-t-elle en 1922. La gravure, la sculpture et la lithographie seront ses armes. La pauvreté, la faim et la guerre ses ennemis. Un engagement socialiste et pacifiste qui lui vaudra d’être exclue de l’Académie des Beaux-Arts de Prusse en 1933, lors de l’arrivée d’Hitler au pouvoir.
Une mère obsédée par la Mort
Une reproduction de la Pietà (1937) trône au milieu de la « Nouvelle Garde » sur Unter den Linden.
Ce sont les tisserands de Silésie révoltés contre le pouvoir qu’elle dessine en 1898. C’est la dépouille du socialiste Karl Liebknecht qu’elle sculpte sur bois en 1919. Ce sont surtout ces soldats enrôlés qu’elle crayonne tels des fantômes hypnotisés par la propagande de guerre. Car le destin de Käthe Kollwitz bascule un jour d’octobre 1914 lorsque son fils Peter tombe au front en Belgique. Une mort qu’elle n’arrivera jamais à surmonter et qui hantera le reste de son œuvre. Ses lithographies tournent autour du triptyque de la mère, l’enfant et la Mort. On y voit des visages d’enfants apeurés, emportés par une mort personnalisée toute puissante. On y voit des mères désespérées et abattues par la perte de l’être aimé. Des femmes fortes et faibles à la fois, tantôt prêtes à faire « une tour de mères » pour protéger leur bien le plus cher, tantôt s’effondrant face au corps mort de la chair de leur chair. Sa Pietà nous dit toute la souffrance du deuil d’un parent. Sa sculpture d’une mère serrant ses enfants prisonniers entre ses cuisses et ses bras révèle la force de l’amour maternel.
« Mutter mit zwei Kindern » 1934
Une femme tenace et pleine de vie
« Anruf auf Tod » 1934/35
Au fil des années et de ses œuvres, Käthe Kollwitz semble avoir apprivoisé la mort, tel un destin au devant duquel elle court – comme nous tous. En 1935, elle dessine une vieille femme qui sent une main sur son épaule et est prête à la suivre. « L’appel de la mort » se fait entendre. Ses autoportraits, tels un journal intime, sont d’une honnêteté absolue avec le spectateur. Les rides apparaissent avec le temps. En 1934, à 67 ans, l’artiste se représente le regard triste, le visage fatigué. Son silence l’a dit condamnée, alors qu’elle est déjà interdite d’exposer sous le Troisième Reich. Elle nous fixe droit dans les yeux, les lèvres quelque peu entrouvertes, sa main droite apposée sur son crâne. A travers le temps, elle semble nous transmettre le quelque peu de courage et d’espoir en un monde meilleur qui lui reste. C’est ce portrait d’une femme téméraire, forte et pleine d’amour qui demeure. Une artiste débordant d’humanité.
Selbstbildnis, 1934
Cécile Leclerc (www.lepetitjournal.com/berlin.html) Juillet 2008
Le musée Käthe Kollwitz de Berlin regroupe un ensemble de 200 estampes et une série de 70 dessins et affiches originales, ainsi que 15 sculptures de bronze. Audio-guide en français – Fasanenstr. 24 – ouvert tous les jours 11h-18h. 5€/2,50€ http://www.kaethe-kollwitz.de/
2 commentaires:
Amusant... je viens de visiter ta page et vais vers celle d'une autre grande fan de l'Allemagne et tombe sur la fameuse (enfin, pas pour moi jusqu'il y a quelques minutes) Pieta.
Ce site pourrait t'intéresser
Bises
http://cequetulis.wordpress.com/
et ben, mes cours d'allemand se supperposent avec ta vie... on a parlé d'elle ya pas treès longtemps, un reportage télé à comprendre et résumer!
voila,
comment vont les ptits belges?
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