lundi 26 juillet 2010

Piquée par le moustique Afrique



On m'avait prévenu : « en travaillant pour cette rédaction, tu vas te découvrir une nouvelle passion africaine. ». C'était il y a un an. J'étais en stage au service francophone-africain de la Deutsche Welle, la radio internationale allemande. J'avais pour collègues : un nigérien, un ivoirien, un béninois, un togolais, un guinéen et même un centrafricain. Diffuser en Afrique noire sans jamais y avoir mis les pieds? Je devais voir tout « ça » de mes propres yeux! J'ai pris mes billets pour la RCA en janvier. « C'est où le Centrafrique ? » « Ben, au centre de l'Afrique !».
Et c'est parti, en plein mois de juin, impatiente de découvrir ce nouveau continent...surtout qu'entre temps, me voilà embauchée à la Deutsche Welle. Il me tarde de mieux comprendre l'univers de mes (futurs) auditeurs.
Mes premières impressions sont encore bien nettes dans mon souvenir. Cette terre rouge vue de l'avion, avec tout autour : de la verdure, rien que de la verdure! Un reste de territoire où la nature est encore reine. C'est à un voyage des cinq sens que m'invitait le Centrafrique : les bruits des klaxons dans les rues, moyen de s'imposer sur la voie de circulation, les cris des vendeurs à tout va, les enfants qui chantent et dansent en même temps; les odeurs de détritus qui trainent, de ma sueur mélangée à la chaleur, et ce parfum de la terre rouge arrosée par la pluie; les mille et une couleurs des robes des femmes, les différences de peau « noire », l'impression d'être une martienne à la peau trop claire; le goût des épices et des bananes plantains, des arachides en veux-tu, en voilà, et des mangues juteuses comme on n'en voit pas chez nous! Même la lune est différente: un croissant ou un quartier horizontal, tel un smiley dans le ciel. Forcément, on approche de l'Équateur. J'ai vite pris le rythme centrafricain: vivre avec la lumière du jour. Lever entre 5 et 6h avec le soleil, et coucher à 20h30, deux heures après la disparition du soleil.


Bangui, la capitale, fut ma première étape. Impression de gros village. Ici des routes défoncées, là des poules en liberté. Quelle ne fut alors pas ma surprise de découvrir « la brousse ». Décor tout droit sorti du dessin animé Kirikou. Des huttes en terre cuite aux toits de paille, des scènes quotidiennes de cuisine dehors (hum, les bonnes sauterelles!), des cochons et des moutons ça et là. Une chose m'a vite émerveillée : voir ces femmes portées de lourdes charges sur leurs têtes – des draps, le repas du midi, ou de l'eau – et le tout avec les mains libres! Avec, souvent, un enfant dans le dos. Elles illuminaient mes journées avec leurs pagnes colorés et leurs coiffures sophistiquées.

Cécile, l'amie que je visitais, a été une guide précieuse. Elle m'a appris à reconnaître bien vite les différences physiques entre les deux ethnies qui cohabitent: les Gbayas et les Peuls. Les derniers étaient des nomades dans le passé, ce sont souvent eux qui élèvent les troupeaux de zébus qui traversent la piste, ici ou là... Et cette chose blanche au bord de la route? Du manioc, la nourriture fétiche ici. J'ai testé, je n'ai pas aimé – à mon grand désarroi. Difficile de comprendre pourquoi les gens de la campagne ne se nourrissent principalement que de manioc, pourtant peu nutritif. Alors que la terre semble propice à accueillir de nombreuses autres cultures...des fruits et légumes aussi.

D'une manière générale, j'ai senti le pays plus que démuni. Dépassé entre d'un côté l'arrivée de la modernité et cette envie de faire aussi partie de la mondialisation, de l'autre un stade de développement pour le moins reculé. Même si ça n'était pas mon premier voyage dans un pays du « Sud » (j'avais déjà découvert des quartiers pauvres au Caire), c'est en Centrafrique que j'ai pris conscience de la relativité de cette notion du « développement ». Est-ce être en retard que d'aller chasser les fauves avec son arc et ses flèches? D'aller aux champs avec une faux? De cultiver principalement du manioc? S'il n'y avait pas la mondialisation (commencée selon moi avec les premières ventes d'esclave puis avec la colonisation), ça ne serait pas grave. Après tout, ils vivent comme ils l'entendent. Avoir 15 enfants pour être sûrs que la moitié (sur)vivent. Mais l'arrivée de nos modernités a tout chamboulé: avoir un portable alors qu'il n'y a pas d'électricité, se servir de sacs plastiques alors qu'il n'y a pas de prises en charge des déchets (direction: la rue!), …

Ce n'est pas tant la misère des gens qui m'a le plus choqué mais ce sont les conditions sanitaires: le manque d'hygiène dans les marchés improvisés avec des bâtons de bois où la viande traîne à l'air sur les étales attirant d'inévitables mouches; la mauvaise qualité de l'eau qui entraîne d'innombrables diarrhées; cette malnutrition pire encore que la sous-nutrition. Est-ce parce que je savais que j'allais animer le magazine Santé de la DW? J'ai été en tous cas très sensible à ces différences sanitaires. Je perçois d'autant mieux la nécessité d'aborder des questions toutes simples: l'équilibre alimentaire, l'allaitement maternel (au cours duquel se transmet souvent le virus du SIDA), l'hygiène de vie...

C’est aussi là-bas que j’ai pris conscience du sens du mot « État ». Comment un pays peut-il se reconstruire sans avoir de structure propre qui le dirige ? L’état des routes laisse à désirer (et encore, paraît-il que la route entre Bangui et Bouar venait d’être refaite… pour accueillir le président !). On trouve très peu de transports en commun faisant les jonctions entre les principales villes du pays (on s’entasse tous dans un véhicule… qui ne part qu’une fois chargé à bloc). Même à Bangui, impossible de trouver de bus : taxi pour tout le monde (à 6 voire 7 dedans !) Malgré tout cela, l'État empoche des sous aux différents péages le long des routes – péages que certains hauts-placés se permettent de ne pas payer, fermant ainsi la boucle d’un beau cercle vicieux.

Surtout, j’ai pu constater l’existence de barrages militaires, et encore, j’étais dans une voiture d’ONG et ma peau blanche me protégeait. Mais des discussions passionnantes avec un fonctionnaire de la mission de l’ONU en Centrafrique me l’ont confirmé : la première des libertés bafouées n’est pas tant la liberté d’expression que celle de circulation. Les autorités usent facilement de leur pouvoir, que ça soit aux barrages ou en ville. D’ailleurs, Cécile me racontait que de nombreux garçons ont le rêve de devenir…. militaire ! Car qui dit pouvoir, dit argent. Finalement, l’armée fait peur plus qu’elle ne protège. Après tout, c’est grâce à elle que le président a pu se hisser au pouvoir…Alors qu’en Europe, je me sens protégée par les services publics et la structure étatique en général, en Centrafrique un simple uniforme me faisait peur. Et si un garde a décidé de me confisquer mes piles rechargeables de mon appareil photo, j’ai beau lui rétorquer que je suis dans mon droit, il a le pouvoir, un point c’est tout !

Belle application de mes cours de sciences politiques en tous cas. L'État ou le monopole de la violence légitime, l'État au service de la cohésion d’une société… Tout cela manque là-bas ! Dès lors, comment appliquer notre système électoral à un tel pays ? C’est ridicule ! Les pancartes accrochées un peu partout dans Bangui nous ont bien fait rire : « nous avançons sûrement » avec une image d’une grosse tortue ! Et surtout en dessous : « déjà la liste électorale informatisée ». Ah oui ? Comment fait « l'État » centrafricain pour avoir une liste électorale, ne serait-ce que manuscrite, alors que la plupart des gens ne sont pas recensés en brousse, et ce, même dans les grosses villes de province ? Ont-ils même une carte d’identité ? J’ai hâte de suivre le déroulement des élections en octobre prochain. Le président Bozizé avait en tous cas bien entamé sa campagne. Même en brousse, j’ai croisé des gens avec des t-shirts oranges, sa couleur officielle. Et des banderoles sur les routes : « la Centrafrique remercie son excellence François Bozizé pour ces 5 années au service de la paix et des libertés fondamentales ». Inutile de se demander s’il a utilisé les deniers publics pour sa campagne (quoique, dans ce domaine, nos beaux pays occidentaux n’ont pas de leçon à donner si j’en crois les derniers rebondissements de l’affaire Woerth).

Enfin, ce voyage m’a permis d’entamer une réflexion (loin d’être terminée) sur la Francafrique. Certes, le passé colonial ne peut pas s’effacer d’un coup de baguette magique. Il reste de nombreuses traces physiques, qu’il s’agisse des anciennes maisons coloniales, des infrastructures tombées en friches (cinéma, pharmacie, bar…), ou des anciens camps militaires français (« tu t’appelles Leclerc ? Comme le camp près de Bouar ! »). Et puis il parait logique que notre système juridique (Cour de Cassation d’un côté, Conseil d'État de l’autre) ou notre système monétaire (les anciens francs) soient encore d’actualité. Malgré tout, la France du XXIème siècle est, elle aussi, présente : Total pour alimenter le pays en essence, Orange pour la téléphonie mobile, ici un vieux bus de chez nous qu’on ne veut plus, là une guirlande « Bonnes fêtes » qui fait tâche au cœur de la capitale centrafricaine. Les liens entre la France et ses anciennes colonies sont encore bien étroits. Et si nous n’étions nous-aussi pas un peu responsables des problèmes africains ? Et si nous les étouffions à notre manière, en voulant maintenir ces liens du passé ? Et encore, je n’ose évoquer l’exploitation de leurs ressources. Nous avons croisé, avec Cécile, une fille d’une ONG européenne qui nous a parlé de mines d’uranium dans le nord du pays….exploitées par Areva. Tu m’étonnes !


Cela fait plus d’un mois que j’ai quitté la terre centrafricaine, et pourtant, je continue d’y penser chaque jour. Nous avions un sujet sur les rebelles en Centrafrique la semaine dernière, et mes collègues voulaient que je m’en charge : « c’est toi la spécialiste de RCA maintenant à la rédac’ ». C’est vite dit.
Moi qui ai la fâcheuse habitude de regarder mes pieds quand je marche, j’ai des envies soudaines de terre rouge. Notre bitume bétonné me déprime. Au moins, ça m’oblige à lever la tête et à regarder droit devant. Je suis en manque de bananes plantains aussi.
On me l’avait dit : j’ai été moi aussi piquée par le moustique Afrique!
Prochaine destination : le Niger pour voir mon ancien collègue et ami Seyni, découvrir un pays d'Afrique de l'Ouest, d'autres paysages, de nouvelles cultures... L'an prochain, qui sait?

mardi 6 avril 2010

Serbie: la terrible fuite en avant d'une Europe aveuglée par son désir d'élargissement






















A peine le Parlement serbe avait-il condamné le massacre de Srebrenica (quelques 8000 musulmans bosniaques ont été tués par les forces serbes dans ce village de Bosnie orientale en juillet 1995) le 31 mars dernier que Catherine Ashton, la nouvelle Madame Europe, la haute représentante pour la politique étrangère, s'est empressée d'applaudir un premier signal pour la réconciliation dans la région des Balkans.

Mais s'il y a une chose que Madame Ashton a évité de préciser, c'est bien que le parlement serbe refuse encore et toujours de parler de "génocide", qualificatif pourtant employé par le Tribunal pénal international de l'ONU sur l'ex-Yougoslavie (TPIY). Selon La Haye, le drame de Srebrenica serait même le plus grand massacre perpétré sur le continent européen depuis la Seconde guerre mondiale.

Ajoutons à cela que Ratko Mladic, général qui commandait les forces serbes bosniaques, court toujours (Pire: Belgrade a avoué que ce cher général a touché sa retraite jusqu'à 2005) et que la Serbie continue à nier l'existence de l'État du Kosovo (à l'inverse des 27 de l'UE) et à bloquer toute marchandise portant le sceau des douanes kosovares.

Belgrade ne joue clairement pas le jeu de l'Union européenne: irrespect de la souveraineté de ses États voisins, mauvaise volonté à faire comparaitre les anciens criminels de guerre et à travailler conjointement avec le TPIY.

Mais non! Bruxelles préfère fermer les yeux sur ces réalités au nom d'une adhésion future de la Serbie à l'Union européenne (le dossier de candidature a été déposé en décembre dernier). Depuis le 19 décembre 2009, les ressortissants serbes peuvent même voyager sans visa sur la grande majorité du territoire européen, au même titre que les ressortissants macédoniens et monténégrins – Quid des citoyens bosniaques? Bruxelles a jugé que la Bosnie avait encore des efforts à fournir en terme de progrès démocratique. Une décision incohérente, me semble-t-il. Car comment expliquer aux musulmans bosniaques que les serbes de Bosnie ont le droit, eux, de voyager sans visas? Pour réconcilier une région mise à feu, on a vu mieux.

Union européenne, beau cercle de pays (plus ou moins) démocratiques, quelle est cette fuite en avant? A quoi jouez-vous, chers technocrates et hommes politiques de Bruxelles? Je sais bien que votre/notre belle Europe manque de souffle et qu'elle aurait besoin de projets nouveaux pour avancer, mais ne serait-il pas plus logique d'approfondir notre Union à 27 (notamment sur les plans politique et social), plutôt que de l'élargir à des pays pour le moins instables.

Ce que les médias ont appelé "la crise grecque" nous a montré à quel point il est nécessaire de consolider les bases de l'Union européenne, d'éteindre les braises qui la menacent de prendre feu et de s'effondrer… avant de prendre le risque de se confronter à d'autres incendies. L'Union a tendance à privilégier la rapidité des élargissements, pensant que tout sera réglé par la suite – comme par magie. A tort. Prenons le cas de Chypre. L'Union a préféré accepté la candidature de l'État chypriote (sud de l'île) avant que ne soient réglé les problèmes de mésentente avec les chypriotes turcs du nord. Comme si l'adhésion de Chypre faciliterait les choses. Que nini. Six ans après, les tensions persistent entre la Grèce et la Turquie, et l'Union se retrouve coincée entre les deux.

Je me souviens qu'en 2005, alors que l'Union entamait les négociations d'adhésion de la Croatie, un de mes professeurs (hommage à Monsieur Eymeri, s'il me lit!) nous avait averti sur les dangers d'une telle fuite en avant. Car si l'Union accepte des États instables en connaissance de cause, en partant du principe que tout ira pour le mieux (dans le meilleur des mondes!) grâce à cette adhésion, elle ne pourra pas par la suite mettre ces mêmes États à la porte, sous le prétexte qu'ils sont instables. Ce sont donc nos chers soldats européens (et nos euros) qu'on enverra dans les Balkans, disait-il, lorsque de nouveaux conflits éclateront.

Cette idée me faisait sourire à l'époque. J'avais alors mes grands idéaux et croyais ferme en les bienfaits de l'Union européenne qui réussit à créer un certain équilibre à partir de déséquilibres – à l'instar du réveil économique de l'Espagne, du Portugal ou de l'Irlande. Je me disais alors: pourquoi pas? Les Balkans font après tout partie du continent européen. Même si leur intégration peut paraître rapide à certains, elle permettrait d'y mettre en place une certaine stabilité.

Oui, mais…. Mais peut-on tourner une page sans la lire? Un travail de justice et de réparation des victimes doit être commis. Il faut penser les plaies du conflit yougoslave. Sinon, elles brûleront un jour de nouveau. C'est le rôle du TPIY: aider à la cicatrisation des blessures. Or, le dernier film ô combien magnifique de Hans-Christian Schmidt (Der Sturm / La révélation) nous révèle que l'Union européenne presse le TPIY. Justice n'est pas faite paradoxalement au nom de la réconciliation nationale. Dans le film, un général serbe, responsable de meurtres et de déportations massives lors du conflit avec la Bosnie, se voit acquitter suite à des tractations (en coulisses!) entre diplomates et avocats. Car l'Union européenne voit d'un bon œil sa candidature aux future élections présidentielles de Serbie.

La raison d'État triomphe face aux victimes. L'Union européenne privilégie la reconstruction des États des Balkans (ici l'État serbe) quitte à mépriser la reconstruction des individus. Le regard de Mira (jouée par la superbe Anamaria Marinca), la victime de son bourreau serbe, en dit long lorsque tombe la sentence. Même la justice internationale en laquelle nombre de victimes ont mis tant d'espoir déçoit. Triste monde. Triste Europe qui range ses beaux idéaux aux placards au nom de sa (real)politique étrangère.

Aujourd'hui, le TPIY s'avère avoir été un véritable échec. Les victimes ne croient plus en la justice internationale. Le procès maintes fois reporté de Radovan Karadzic (l'autre responsable du massacre de Srebrenica) qui s'ouvre enfin pourrait-il changer la donne? L'espoir d'un sursaut de courage des jurés est encore permis.

Personnellement, je persiste à penser que la justice et la vérité doivent triompher pour qu'enfin les Balkans se tournent vers un avenir serein. Bruxelles devrait y réfléchir. Car si l'Union accepte le dossier de candidature de la Serbie tout en continuant de jouer les hypocrites sur ce qu'elle appelle « justice », si elle garde les yeux fermés, alors elle sera pris dans un engrenage duquel il lui sera difficile de sortir. Quant à moi, j'aurais perdu tous mes espoirs en cette Union européenne à laquelle j'ai tant cru.


Tout sur le film La Révélation:
http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=18929404&cfilm=136376.html

lundi 8 février 2010

IMMIGRATION - De Sans-papiers à Sans Domicile Fixe

Depuis plusieurs mois, des exilés afghans ont élu domicile autour du Canal Saint Martin, à Paris.

Paris, 10ème arrondissement. Comme tous les soirs, Michel et les autres bénévoles de l'Armée du Salut distribuent un repas chaud au bout du quai de Jemmapes. Pour l'occasion, la mairie a bien voulu refaire un petit bout de trottoir. Il est 19h. SDF, immigrés, personnes dans le besoin: tous attendent de pied ferme dans le froid depuis une bonne demi-heure. Le thermomètre est proche de zéro. « Prenez de la soupe, ça vous réchauffera » clame Michel à la foule affamée. « Et aujourd'hui, c'est du poulet, chicken ». « And chicken again » rétorque un jeune homme au teint mat et aux yeux bruns. La conversation s'engage: « What's your name? » « Fahim, I come from Afghanistan ». Comme plus de la moitié des 200 à 300 personnes qui bénéficient de la « soupe de nuit » offerte par l'Armée du Salut. Michel commente: « Beaucoup logent en face ces temps-ci ». En face, c'est de l'autre côté du canal Saint-Martin, en contre-bas du quai Valmy. Une rive à l'abandon, loin des merveilleuses scènes d'Amélie Poulain faisant ses ricochets. Bienvenue au campement d'une cinquantaine d'Afghans!







Fahim emprunte le pont qui traverse le canal et ramène sa soupe dans son « chez lui ». Il rejoint Raul et Youssef sur le trottoir qui surplombe la rive. Tous deux ont mangé dans un autre centre d'accueil en fin d'après-midi. « Je n'aime pas la soupe en face, ça n'est pas halal » se lamente Raul dans un anglais quasi parfait. Il porte un jean, un gros blouson noir et un bonnet rouge qui lui couvre toute la tête. Ce sont des associations qui lui ont donné ces vêtements d'occasion. Ce jeune homme de 22 ans est patchoune et vient du Sud-Est de l'Afghanistan. Comme tous les autres exilés qui vivent avec lui en contrebas, Raul a parcouru un long chemin avant d'arriver en France: du Pakistan à l'Italie, en passant par l'Iran, la Turquie et la Grèce. Toute ses économies sont passées dans ce voyage interminable: celui qui rêvait d'être ingénieur en Angleterre, là où vit son oncle, se retrouve à la rue en France sans un sou. Et ce, depuis trois mois. Pourtant, Raul ne regrette rien. Quitter son pays, « sa seconde mère », était une évidence. La guerre a tout détruit et les combats entre Talibans et les forces internationales continuent et font du quotidien des habitants un enfer. Youssef, lui, a perdu ses parents lors d'un bombardement aérien. Fahim s'emporte: « les Américains ont tué nos familles. Est ce que nos enfants, nos mères, nos femmes étaient des Talibans? Non! »



Les trois Patchounes descendent les escaliers qui mènent au bord de l'eau. Une imposante grille verte s'interpose devant eux. Les Afghans ont pourtant réussi à braver l'accès interdit: ils se glissent dans un trou d'un mètre sur un mètre à travers la grille et rejoignent leur lieu de vie, sous le pont. Une quinzaine de tentes et de matelas gisent au sol. Ça pue, c'est sale, c'est humide. Des poêles trainent sur les pierres à côté de grosses bouées jaunes. De nombreux détritus flottent à la surface de l'eau du canal gelé. Youssef s'indigne : « Beaucoup parmi nous sont malades. J'en connais qui ont des problèmes de peau ou aux dents. Pourquoi nous laisse-t-on dans cette misère? » Des associations viennent certes les aider au quotidien, mais sans papiers, ces jeunes Afghans se retrouvent sans domicile fixe. Un travail? Inimaginable. Un logement? Inconcevable. « Je ne comprends pas pourquoi les Européens ont facilement des papiers et pas nous. Notre pays est en guerre. Pourquoi Sarkozy ne veut pas de nous? Nous sommes intelligents, nous pouvons travailler ici » proteste Youssef, dont les yeux couleur ébène s'illuminent. En Afghanistan, il avait fini le parcours secondaire durant lequel il a appris à parler l'anglais correctement et il s'apprêtait à devenir médecin.

A quelques mètres du campement, le long du canal, ses « voisins » ont fait un feu pour se réchauffer. Il fait froid et Youssef n'a pas de gants. Ce soir, les Afghans sont nombreux à discuter autour des flammes. « Le matin, dès 5h, on est près du feu, tellement l'air est glacial. » explique Raul. La journée, ils jouent aux cartes, blaguent, se rendent au Kiosque ou dans des centres d'aide pour se laver et manger. Ils vont aussi à la mosquée de Barbès, pour prier.

Un camion de pompiers passe sur le quai derrière. La sirène retentit dans les airs se mêlant à la musique du métro aérien. De quoi rappeler à Youssef, Fahim, Raul et les autres qu'ils vivent en plein cœur de Paris. Sur la rive en face, l'Armée du Salut remballe sa soupe quotidienne. Il est 20h45. L'heure d'aller se coucher pour ces exilés afghans. Et de rêver à de meilleurs horizons...

C.L.

dimanche 10 janvier 2010

MEDIAS - Dans les coulisses d'@rrêt sur images: quand simplicité rime avec qualité.


Depuis deux ans, la petite équipe d' @rrêt sur images travaille d'arrache-pied pour proposer une émission hebdomadaire à ses abonnés internautes. Et ce n'est pas le manque de moyens qui l'empêche de miser sur la qualité. Reportage dans les studios d' @si à Vanves, en banlieue parisienne.



Huit salariés, quatre caméras et un plateau pour quelques 30 000 téléspectateurs. A @rrêt sur images, on se serre la ceinture. La qualité, ça a du prix. Depuis septembre 2007, le site web continue la réflexion critique sur les médias que l'émission du même nom avait amorcé sur France 5. Sauf que Daniel Schneidermann, le créateur d'@rrêt sur Images – ou @si pour les fans – refuse tout financement publicitaire car « on vend toujours une part de leur cerveau disponible à des annonceurs ». Non, pour Daniel, l'avenir de la presse en ligne sera payant. Et depuis deux ans, @si tente tant bien que mal de se maintenir en vie avec pour seul revenu les abonnements des téléspectateurs.
Pas étonnant donc que les coulisses d' @si paraissent si vétustes. Une cinquantaine de mètres carrés à Vanves, à la périphérie parisienne. Un bureau pour Daniel, rédacteur en chef et producteur, un local pour Pierre-Henri qui décortique les images des chaînes de télé, et une grande pièce avec une dizaine d'autres bureaux. Ici, ça tourne entre les salariés sur place et les chroniqueurs qui se greffent à l'émission. Et la moyenne d'âge tourne autour de la trentaine. De quoi donner du dynamisme au média hors-norme!

Vendredi 11 décembre: la petite équipe s'apprête à recevoir quatre invités pour parler du traitement par les médias de l'affaire Véronique Courjault, cette femme jugée en juin 2009 pour avoir tué trois de ses bébés à leur naissance. La veille, François, le technicien-réalisateur-décorateur, a pris soin de changer le décor du plateau: exit les rideaux noirs de La ligne j@une, une autre émission du site, place aux murs en carton pâte et aux draps blancs ! Ici, chacun est multifonctionnel. Il faut aussi bien savoir passer sur le plateau, que manier les quatre caméras automatiques à distance ou produire en régie.
10h30. Sophie, journaliste à @si depuis le début de l'aventure du média en ligne, accueille les premiers invités qui arrivent et les présente à Daniel, l'animateur traditionnel de l'émission. Un cinéaste qui a reconstruit le procès, un journaliste du Monde, un du Figaro et un expert-psychiatre: « nous avons une belle brochette d'invités aujourd'hui » commente Pierre, le webmaster.
Dans la régie, Julie, chef de projet, s'apprête à prendre les caméras automatiques en commande, François s'occupe de choisir les plans diffusés, et Sophie gère l'image qui sera projetée sur l'écran du plateau. « Je ne le sens pas aujourd'hui, je ne maîtrise pas assez le sujet cette fois » commente-t-elle. Sur le plateau, Hervé, l'ingénieur du son, habille les invités d'un micro-cravatte.

10h40. Silence, on tourne. « Je lance le générique » annonce Sophie. A travers la vitre, elle décompte avec les cinq doigts de la main pour signaler le début de l'émission à Daniel. Il n'y a aucun autre moyen de communiquer avec le plateau. « C'est sûr que c'est empirique chez nous: ni cadrage, ni maquillage, ni oreillettes » commente Pierre-Henri, le chroniqueur attitré. Au pire, la régie dispose d'un tableau et d'un feutre weleda pour faire passer un message urgent au plateau. Et puis, il ne s'agit que d'un enregistrement que l'équipe d' @si pourra retravailler. On est loin de la pression du direct.
C'est parti! Daniel lance le débat avec ses invités. En régie, c'est le branle bas de combat. « Mais c'est quoi ce son? » s'offusque François, en essayant de parler à Hervé qui n'entend rien avec son casque sur les oreilles. Le jeune technicien réclame à Julie un autre plan sur la caméra numéro 2. Un invité hésite et bafouille. Julie s'énerve: « Allez, enchaîne! » Pierre-Henri en profite pour la masser dans le cou. « Zen, c'est bientôt le week-end ». Sur le plateau, les invités commencent à se couper la parole, ça file dans tous les sens. Difficile pour les journalistes en régie de se concentrer sur le contenu du débat. De temps à autre, Daniel propose à ses invités de visualiser des extraits du film sur le procès de Courjault ou de journaux télévisés ayant traité le sujet. A Sophie de ne pas rater le coche et d'envoyer les bonnes images. A 35 minutes d'enregistrement, la jeune journaliste se trompe. Silence sur le plateau. Sophie se corrige et note sur une feuille le time-code pour effacer son erreur à la fin de l'enregistrement.

11h47. « Merci à tous les quatre pour la sincérité, la finesse et la richesse de ce débat »: Daniel décide de clore l'émission. Il n'y a pas d'horloge sur le plateau, le rédacteur en chef décide seul de la durée de l'émission, qui varie entre 50 minutes et une heure et quart. « C'est une télé sans durée fixe en quelque sorte » commente Pierre-Henri.
Les journalistes s'étirent en régie. La journée n'est pourtant pas finie. Il faut encore monter l'émission et la mettre en ligne avant la fin de l'après-midi. Sans parler de la préparation de la prochaine émission, qui sera enregistrée vendredi prochain. Sur le mur de la régie : un prix des téléspectateurs et des photos de la petite équipe soudée. Les coulisses d' @rrêt sur images, ou comment faire des émissions de qualité avec très peu de moyens.

C.L.

Une adresse: http://www.arretsurimages.net/index.php

Des après-midi récréatives pour Papi et Mamie / Es gibt kein Alter, um Spaß zu haben

Un article en français sowie auf deutsch :)

SOCIETE

Des après-midi récréatives pour Papi et Mamie.

C'est un fait: la société vieillit et de plus en plus de personnes âgées logent dans des maisons de retraite. Au foyer Nicolas Roland à Reims, les résidents ont droit à une après-midi récréative tous les jours. Lectures, jeux ou exercices corporels: l'animatrice Brigitte leur apporte un rayon de soleil dans leur quotidien. Reportage de C.L.

« Nous avons un seul objectif cet après-midi: se faire plaisir! ». Brigitte sourit aux six personnes âgées, qui sont descendues dans la bibliothèque pour passer l'après-midi avec elle. Brigitte a 55 ans et travaille depuis près d'un an à la résidence Nicolas Roland à Reims (Champagne-Ardenne). Elle vient entre quatre et cinq fois par semaine pour rendre visite aux 29 résidents du foyer. Et dans son sac, ce sont pas seulement des livres ou des CDs qu'elle apporte, mais également des idées détonantes! Presque chaque après-midi, l'animatrice donne rendez-vous aux résidents, tous âgés de 80 ans au moins, dans la bibliothèque au rez-de-chaussée. Car le palier de la résidence est réservée aux pièces de la vie collective. Les résidents n'ont qu'à quitter leurs chambres au premier étage et descendre les marches – ou prendre l'ascenseur – pour manger à la cantine, prier à la chapelle, se promener dans le petit jardin et lire ou voir Brigitte dans la bibliothèque.

15 heures. Les six personnes âgées présentes cet après-midi là s'assoient autour de la table. Elles sont habillées chaudement. Marie-Antoinette porte même encore son manteau. Elle a toujours froid en hiver. Aujourd'hui, Brigitte propose aux résidents de préparer des étiquettes qui accompagneront les serviettes le soir du repas de Noël. Dans les maisons de retraite aussi, on fête Noël. Ici, ça sera le 24 au soir. Le 25, certains résidents retourneront passer les fêtes dans leur famille.

Lucie bougonne. Elle est quasiment aveugle et se plaint de ne pouvoir écrire. Brigitte la rassure en lui disant qu'elle sait en revanche encore très bien dessiner. L'animatrice distribue les différentes tâches: à Marie-Antoinette de couper le papier coloré, à Marcelle et à Marcelline d'écrire le nom des résidents sur le papier, à Humbeline et à Lucie de décorer les étiquettes, et au père Canbice, le seul homme présent aujourd'hui, d'attacher les étiquettes aux serviettes de table. Entre cinq et quinze personnes âgées participent aux après-midi récréatives de Brigitte. Ça varie souvent. Marie-Antoinette vient par exemple seulement trois fois par semaine. Sa famille est rassurée depuis qu'elle loge ici. Sa fille Béatrice a beau vivre à 30 kms de Reims, elle ne pouvait pas rendre visite à sa mère tous les jours. Ici, elle est sûre que sa maman mange correctement, et ne reste pas seule et déprimée. Il n'a pas été facile de prendre la décision de vendre l'appartement, mais Marie-Antoinette est désormais bien entourée. Béatrice avait le choix entre une vingtaine de maisons de retraite à Reims. La résidence Nicolas Roland a le mérite de n'être pas très loin du centre-ville, ce qui permet aux petit-enfants de Marie-Antoinette, étudiants à Reims, de venir la voir de temps en temps.

C'est parti. Brigitte met de la musique classique en fond sonore. Marcelle chantonne sur une valse de Brahms. Elle se plaint de sa propre écriture sur les étiquettes: trop petite, peu lisible. Brigitte la rassure. « Vous êtes vraiment indulgentes avec moi » lui rétorque Marcelle à de nombreuses reprises. Les personnes âgées ont besoin du soutien de l'animatrice. Elles se sentent bien souvent incompétentes, surtout au regard de leur propre passé. Brigitte explique: « Je dois faire preuve de patience, de calme, et de délicatesse aussi. Pour que les personnes âgées se fassent confiance et laissent libre cours à leurs émotions. » Elle ne souhaite pas occuper bêtement les résidents pour tuer le temps, mais s'amuser avec eux, et faire en sorte qu'ils profitent de chaque après-midi. Brigitte veille aussi à faire travailler leur imagination. La semaine dernière, elle a fait de la poterie. Lucie est fière de son bougeoir qu'elle montre à l'animatrice, tel un enfant le montrerait à sa propre mère. Marcelle apprend à jouer du piano depuis quelques temps et y prend beaucoup de plaisir. Les deux femmes ont un fort caractère et n'hésitent pas à prendre la parole et à s'exprimer. A l'inverse, Marie-Antoinette et Marcelline restent plus en retrait. Mais leurs visages révèlent qu'elles aussi prennent du plaisir à décorer les étiquettes.

Parallèlement aux activités manuelles, Brigitte propose aux résidents de jouer avec leurs neurones. Elle leur donne par exemple plusieurs lettres, et c'est à eux de proposer des mots. Ce jeu est une nouveauté pour Marie-Antoinette. Brigitte veille aussi à soigner le corps des personnes âgées. Une fois par semaine, elle invite un animateur pour faire de la gymnastique douce avec elles. « Ça fait toujours plaisir de se bouger un peu » commente Marie-Antoinette. Brigitte organise par ailleurs des sorties dans le quartier ou à la campagne. En mars, elle a prévu d'emmener les résidents voir un ballet au théâtre de Reims. Humbline est déjà inquiète: « Est ce que nous aussi, nous devrons danser? »

Marcelle participe à toutes les activités proposées par Brigitte. « J'aime tout ce qu'elle nous fait faire. A chaque fois qu'elle vient, je suis contente de recevoir de la visite ». Marcelle a beau avoir cinq enfants et douze petit-enfants, ils habitent tous loin de Reims et viennent la voir que tous les deux mois. Avant, elle pouvait habiter seule et s'occuper de tout. Mais ce temps est révolu. A la maison de retraite, Marcelle a retrouvé une vie sociale. Elle peut rester seule dans sa chambre mais aussi rencontrer d'autres personnes. Elle a elle-même décidé avec ses enfants de venir à la résidence Nicolas Roland, entre autres en raison des activités proposées aux résidents. Car toutes les maisons de retraite n'offrent pas un tel encadrement des personnes âgées. Brigitte confirme: la réussite de ses après-midis tient à l'interaction qu'elle a avec chacun des résidents. Car il est primordial pour les personnes âgées de se sentir encore bien vivants!

16h30 : une cuisinière apporte un goûter aux résidents présents dans la bibliothèque. Au menu: du jus d'orange et des biscuits. Une infirmière donne également son médicament à Marie-Antoinette. Les serviettes sont presque toutes prêtes, parées de jolies étiquettes pour le repas de Noël. Brigitte demande une dernière fois: « Avons-nous atteint notre objectif aujourd'hui? » Marcelle répond à la question avec un grand sourire: « Bien sûr! De toutes façons, dès que nous sommes avec vous, nous prenons toujours du plaisir! »






GESELLSCHAFT

Es gibt kein Alter, um Spaß zu haben: Unterhaltungsnachmittage für alleinstehende Senioren

Auch in Frankreich wohnen immer mehr Senioren in Altersheimen. Im Wohnheim Nicolas Roland in Reims werden die Bewohner jeden Nachmittag unterhalten. Mit Lesungen, Spielen oder sanfte körperliche Übungen bringt die Betreuerin Brigitte ein bisschen Sonne in ihren Alltag. C.L. berichtet.

„Unser Ziel heute Nachmittag ist einfach: Spaß haben!“. Brigitte lächelt den sechs Senioren zu, die in die Bibliothek gekommen sind, um mit ihr den Nachmittag zu verbringen. Brigitte ist 55 Jahre alt und arbeitet seit fast einem Jahr im Altersheim Nicolas Roland in Reims (Champagne-Ardenne). Sie kommt vier bis fünf Mal in der Woche vorbei, um die 29 Senioren zu besuchen. In ihrer Tasche bringt sie nicht nur Bücher oder Musik-CDs für die Senioren mit, sondern auch ausgefallene Ideen. Fast jeden Nachmittag verabredet die Betreuerin sich mit den über 80-jährigen Senioren in der Bibliothek im Erdgeschoss. Denn alle Räume des Erdgeschosses stehen dem Kollektivleben des Wohnheims zur Verfügung. Die Senioren, deren Zimmer im obersten Stock sind, kommen die Treppe herunter, um im Speisesaal zu essen. Diesen Weg gehen sie jedoch auch um in der Kapelle beten zu gehen, im kleinen privaten Garten spazieren zu gehen oder um in die Bibliothek zu lesen aber auch um Brigitte zu treffen.

15 Uhr. Die sechs über 80-jährigen Senioren sitzen um den Tisch in der Bibliothek. Sie sind warm angezogen. Marie-Antoinette trägt noch ihren Mantel. Sie sagt es sei ihr immer kalt, seitdem sie alt geworden ist. Heute schlägt Brigitte den Senioren vor, die Servietten vom Weihnachtsmahl mit schönen Namensschildchen vorzubereiten. Denn auch hier wird Weihnachten am 24. Dezember gefeiert. Am 25. Dezember verbringen viele das Weihnachtsfest in ihren eigenen Familien verbringen.

Lucie brummelt. Sie ist fast blind und kann kaum schreiben. Sie könne aber gut zeichnen, kommentiert Brigitte. Die Betreuerin verteilt die verschiedenen Aufgaben: Marie-Antoinette soll die farbigen Papiere schneiden, Marcelle und Marcelline werden die Namen der Senioren schreiben, Humbeline und Lucie können die Schildchen dekorieren, und der einzige Mann der heute anwesend ist, der Pfarrer Canbice, soll die Schildchen an den Servietten befestigen. Jeden Nachmittag nehmen zwischen fünf und fünfzehn Senioren an den Aktivitäten teil. Das variiert oft. Marie-Antoinette kommt zum Beispiel nur drei Mal pro Woche. Ihre Familie ist beruhigt, seitdem sie in diesem Wohnheim ist. Ihre Tochter Béatrice wohnt 30 km von der Stadt enfernt und könnte ihre Mutter nicht täglich besuchen. Hier sei sie sicher, dass ihre Mutter korrekt isst und nicht allein und deprimiert zurückbleibt. Es war schwer, ihre Wohnung zu verkaufen, aber nun ist Marie-Antoinette gut umgeben. Béatrice hatte die Wahl zwischen mehr als 20 Altersheime in Reims, Stadt von 200 000 Einwohnern. Sie hat das Wohnheim Nicolas Roland ausgewählt, weil es eine zentrale Lage in Reims hat. So können Marie-Antoinettes Enkelkinder, die in Reims studieren, sie ab und zu besuchen.

Jetzt geht es los. Brigitte lässt klassische Musik im Hintergrund laufen. Marcelle trällert zu einem Walzer von Brahms. Sie ist mit ihrer Zeichnung der Namen auf den Schildchen nicht zufrieden, und braucht Brigittes Ermutigungen. „Sie sind nachsichtig mit mir“ erwidert Marcelle mehrmals. Denn die Senioren brauchen Unterstützung von der Betreuerin. Sie fühlen sich oft unfähig, vor allem in Hinblick auf ihre eigene Vergangenheit. „Ich muss oft ruhig und geduldig sein. Feinfühlig natürlich auch. Damit sie sich selbst vertrauen und ihre eigenen Emotionen äußern“ erklärt Brigitte. Sie möchte die Senioren nicht bloß beschäftigen, um Zeit totzuschlagen, sondern sie möchte wirklich, dass sie es genießen und sich amüsieren. Am liebsten möchte die Betreuerin, dass die Senioren aus ihrer eigenen Fantasie schöpfen. Letzte Woche hat sie mit ihnen getöpfert. Lucie ist sehr stolz auf ihren Kerzenhalter, und zeigt es Brigitte wie ein kleines Kind es seinen Eltern zeigen würde. Marcelle lernt im Wohnheim Klavier spielen und hat daran sehr viel Freude. Die beiden Frauen sind heute sehr präsent. Sie halten sich nicht zurück und äußern ihre Emotionen. Marie-Antoinette und Marcelline sind dagegen ruhig und wagen es nicht zu reden. Aber ihre Gesichte drücken aus, dass sie auch Spaß haben.

Neben Basteln macht Brigitte mit den Senioren einmal pro Woche Spiele, die ihre Gehirnzellen anregen sollen, wie beispielsweise das Wörterspiel. Brigitte gibt einige Buchstaben vor und die Senioren sollen Wörter erfinden. Das ist ein neues Spiel für Marie-Antoinette. Brigitte achtet darüber hinaus auf die Pflege des Körpers. Einmal pro Woche lädt sie einen Betreuer ein, um sanfte körperliche Übungen mit den Senioren zu machen. „Es macht Spaß, sich zu bewegen“ kommentiert Marie-Antoinette. Außerdem möchte Brigitte die Senioren auch nach draußen mitnehmen. Sie organisiert ab und zu Spaziergänge im Viertel, Ausflüge und Unterhaltungsprogramme. Im März 2010 werden die Senioren beispielsweise ein Ballett im Theater anschauen. Humbline macht sich schon Sorge: „werden wir tanzen müssen?“

Marcelle nimmt an allen Aktivitäten von Brigitte teil. „Ich mag alles, was sie mit uns macht. Ich freue mich darüber, fast täglich Besuche zu bekommen“. Marcelle hat zwar fünf Kinder und zwölf Enkelkinder, sie wohnen aber weit weg und besuchen sie nur alle zwei Monaten. Damals konnte sie alleine wohnen und sich um sich selbst kümmern. Diese Zeiten sind jedoch vorbei. Doch im Wohnheim hat Marcelle ein soziales Leben neu aufgebaut. Sie kann alleine in ihrem Zimmer bleiben, wie sich auch mit anderen Leuten unterhalten. Sie hat mit ihren Kindern entschieden, auch aufgrund der Aktivitäten, im Wohnheim Nicolas Roland zu wohnen. Leider bieten nicht alle Altersheime eine solche Betreuerung an. Brigitte bestätigt: der Erfolg ihrer Nachmittage bestehe aus der Interaktion, die sie mit jedem der Senioren hat. Es sei wichtig für die Senioren, sich noch lebendig zu fühlen.

16 Uhr 30: der Koch bringt den Senioren einen Nachmittagsimbiss, der aus Orangensaft und Keksen besteht. Eine Krankenpflegerin gibt Marie-Antoinette ihre Tabletten. Die Servietten, die für das Weihnachtsmahl mit schönen Schildchen versehen werden sollen, sind bald fertig. Brigitte fragt ein letztes Mal: „Haben wir heute unseres Ziel erreicht?“ Marcelle beantwortet die Frage mit einem großem Lächeln: „Ja, klar! Immer, wenn wir mit Ihnen zusammen sind, haben wir Spaß!“


mercredi 6 janvier 2010

IDENTITE NATIONALE - « Je me sens Française mais je suis aussi Portugaise. Et fière de l'être.»


Betty a quitté son pays d'origine, le Portugal, en 1996. Elle avait 21 ans, et voulait découvrir d'autres horizons. Aujourd'hui, elle tient un restaurant dans le XX ème arrondissement de Paris: « Chez Betty », et propose à ses clients un voyage à la croisée du Portugal et de la France.



Après treize ans de vie parisienne, vous sentez-vous plutôt Française, Portugaise, ou les deux à la fois?
C'est complexe. Je me sens Française, parce que j'ai fait ma vie d'adulte en France. Mais je suis aussi Portugaise et fière de l'être. Toute mon enfance est liée au Portugal. Dès que je peux, j'y retourne. Même s'il est vrai que quand j'y reste trop longtemps, Paris me manque. Mais quand je suis ici, le Portugal me manque. Là-bas, même les grandes villes sont calmes, contrairement à la capitale française. Lisbonne est une ville claire et colorée. Les gens sont sereins, c'est plaisant. Si je pouvais, je serais tout le temps entre deux avions.

Que signifie « être Française » pour vous?
Je suis Française parce que je vis ici. Et parce que je vis ici, je respecte les lois françaises. En fait, je crois qu'on doit se sentir chez soi partout où l'on est. J'ai de la chance aujourd'hui d'avoir deux cultures qui sont très ressemblantes, mais aussi très opposées. Au Portugal, on est très famille, on est chaleureux parce qu'on a le soleil, et ça influence la culture culinaire aussi. Je me sens portugaise lorsque je mijote des plats pendant des heures, comme ma mère me l'a appris. Ici, en France, les gens sont plus froids, comme le temps qui est plus gris. Je me sens aussi Française parce que je suis libre de m'exprimer, libre de montrer. Même si, au jour le jour, j'ai l'impression que ça se referme, il n'y a qu'à voir le débat actuel sur l'identité nationale.

Justement, est-ce que vous pensez que l'État peut donner une définition à ce qu'est l'identité nationale française?
Non, ce débat m'exaspère. A tel point que j'évite de lire des choses dessus, parce qu'à chaque fois, j'ai l'impression de lire des aberrations de plus en plus grosses. Pour moi, il n'y a pas d'identité nationale, mais une identité propre à chacun qui peut être multiple. Pour vivre sereinement dans une société, il ne faut pas renier ses origines. Car ce sont nos racines qui font de nous ce que l'on est. Et l'identité d'une personne se construit toute sa vie à travers les rencontres qu'elle fait. Sinon, on est des robots avec nos petits acquis et on n'évolue pas.

Que pensez-vous de la proposition d'Eric Besson, le Ministre de l'Immigration, de l'Intégration et de l'Identité nationale, de créer une sorte de « parrainage républicain » des étrangers en France pour favoriser leur intégration?
C'est ridicule, j'ai vraiment l'impression de vivre à nouveau dans un pays dictatorial. Parce que moi, j'en sors. Mes parents m'ont élevé dans l'esprit de la résistance à la dictature de Salazar, mon père a été torturé en prison, ça laisse forcément des traces. Ce genre de débat va mener à des extrémismes, parce qu'aujourd'hui, on pousse les gens à choisir entre deux identités. Personnellement, je ne peux pas renier qui je suis. Mon âme est portugaise mais aussi française. Et pourtant, j'ai un papier qui me dit que je ne suis pas Française. Même si je suis européenne, sur ma pièce d'identité, c'est marqué « nationalité portugaise ». Du coup, je ne peux pas voter aux élections nationales. Je vis ici, je travaille ici, je paie les impôts, sauf qu'on me dit que je n'ai pas le droit de choisir qui va décider des lois qui me régissent! Je ne comprends pas comment l'Etat peut demander à des gens de faire en sorte d'être Français, alors que de l'autre côté, il nous rappelle que nous ne sommes pas d'ici, puisqu'on ne vote pas. C'est frustrant.

Propos recueillis par C.L.

mardi 1 décembre 2009

Küsschen unter dem Triumphbogen

Sarkozy empfängt Merkel anlässlich der französischen Gedenkfeier zum Ersten Weltkrieg




Zum ersten Mal in der deutsch-französichen Geschichte hat ein deutscher Bundeskanzler an der Gedenkfeier anlässlich des Waffenstillstandes und der deutschen Kapitulation vom 11. November 1918 teilgenommen. Letzten Mittwoch, um 10.40 Uhr, begleitete Angela Merkel den Präsidenten Frankreichs, Nicolas Sarkozy, ganz gemäß der französischen Tradition, im selben Wagen über die Champs-Elysées. Seit 91 Jahren feiert Frankreich alljährlich den Waffenstillstand von 1918 und den Sieg über die Deutschen. In Paris findet die Gedächtnisfeier unter dem Triumphbogen statt, dort, wo am Grab des „Unbekannten Soldaten“ die Flamme lodert . Sie besteht aus einem Defilee von Soldaten und dem Gesang der Marseillaise, der französischen Nationalhymne. Der 11. November gehört ja zu den Eckpunkten der französischen Geschichte. In jedem Dorf gedenken französische Bügermeister und Bürger vor Kriegerdenkmälen der Gefallenen des „Der des Der“ - „der letzte Krieg“, wie der Konflikt in der 1920er Jahren genannt wurde. Die Konsequenzen sind aber bekannt: auf die deutsche Kapitulation folgt der Versailler Vertrag, dieses „Diktat“ an die Deutschen, das in sich die Wurzeln des deutschen Nationalsozialismus trägt. In Deutschland klingt das Datum dementsprechend anders. Im besten Fall bedeutet der 11. November den Anfang des Karnevals.

Aber dieses Jahr war es anders. Der 11. November war die Gelegenheit, die deutsch-französische Freundschaft in den Mittelpunkt zu stellen. Da es keine Überlebenden des Ersten Weltkrieges mehr gibt, möchte der französische Staatspräsident das traditionelle Weltkriegsgedenken am 11. November künftig auch zu einem Tag der deutsch-französischen Aussöhnung machen. Ein Spalier aus deutschen und französischen Soldaten, Schülern aus beiden Ländern, sowohl beide Nationalhymnen (zuerst instrumentalisch, dann a cappella) als auch "Freude schöner Götterfunken"aus Lautsprechern und die protokollarischen Fahnen, Uniformen und Abschreiten von Ehrenformationen: die sich auf dem Place de l'Etoile eingefundene Menge wurde Zeuge einer hochsymbolischen Gedenkfeier.

Nicolas Sarkozy und Angela Merkel sollten auch, wie bereits ihre Vorgänger, einen Beitrag zur Tradition der symbolischen Versöhnung Deutschland-Frankreichs leisten. Im Januar 1963 hatten Charles De Gaulle und Konrad Adenauer sich im Elysée Palast die Hand gereicht. Im September 1984 hatten François Mitterrand und Helmut Kohl auf den frühreren Schlachtfeldern von Verdun Hand in Hand der Kriegeopfer gedacht. Diesmal haben Nicolas Sarkozy und Angela Merkel sich unter dem Triumphbogen geküsst.

Das Paar hat wieder Glauben an einer guten Beziehung geäußert: "Zusammen können wir Großes schaffen", so Sarkozy. Und Merkel sprach von einer “Versöhnung, die sich zur Freundschaft gewandelt hat“. Das deutsch-französisches Tandem scheint seit einigen Wochen fit zu sein. Denn dieses Treffen in Paris war bereits die vierte Begegnung der beiden Staatspräsidenten binnen zwei Wochen. Schon am 9. November hatte der französische Staatschef an den Feierlichkeiten zum 20. Jahrestag des Mauerfalls in Berlin teilgenommen und sein „Wir alle sind Berliner“ öffentlich kund getan.

Die Anfangsschwierigkeiten des Paares Sarkozy-Merkel sind schon längst vergessen. Seitdem Frankreich nun wieder der Nato angehört, sind sich die beiden Staatschefs einiger über die transatlantischen Beziehungen. Darüber hinaus haben sie eine Lehre aus der Finanzkrise gezogen, und auf dem G20 Gipfel von Pittsburgh zusammen festgestellt, dass neue Regeln für den Weltkapitalismus gefordert werden müssen. Auf der europäischen Ebene ist nun der Lissabon-Vertrag verabschiedet. Nun braucht die Europäische Union einen Wagen, der sie zieht. Der französische Staatssekretär für die europäischen Angelegenheiten, Pierre Lellouche, hat selbst neulich behauptet: „Wenn es keine Einigung zwischen Frankreich und Deutschland gibt, passiert gar nichts in Europa“.

Vielleicht kommt es sogar zu ein paar neuen Elementen für die Zusammenarbeit. Das Modell eines deutsch-französischen Ministers propagiert unter anderem von dem ehemaligen sozialistischen Kulturminister Jack Lang – bisher stößt dies aber auf wenig Gegenliebe in Berlin.
Das deutsch-französische Paar scheint zukunftsorientiert zu sein, und Angela Merkel und Nicolas Sarkozy erinnern sich zusammen an vergangene Konflikte, um die Zukunft vorausschauend zu gestalten. Mit der Gedächtnisfeier vom 11. November haben sie sich wieder einmal, im Namen beider Länder, gegenseitige Freundschaft zugesichert. So Merkel, am Ende ihrer Rede, auf französisch: „Es lebe Frankreich, es lebe Deutschland, es lebe die französisch-deutsche Freundschaft."

C. L.