mercredi 6 janvier 2010
IDENTITE NATIONALE - « Je me sens Française mais je suis aussi Portugaise. Et fière de l'être.»
Betty a quitté son pays d'origine, le Portugal, en 1996. Elle avait 21 ans, et voulait découvrir d'autres horizons. Aujourd'hui, elle tient un restaurant dans le XX ème arrondissement de Paris: « Chez Betty », et propose à ses clients un voyage à la croisée du Portugal et de la France.
Après treize ans de vie parisienne, vous sentez-vous plutôt Française, Portugaise, ou les deux à la fois?
C'est complexe. Je me sens Française, parce que j'ai fait ma vie d'adulte en France. Mais je suis aussi Portugaise et fière de l'être. Toute mon enfance est liée au Portugal. Dès que je peux, j'y retourne. Même s'il est vrai que quand j'y reste trop longtemps, Paris me manque. Mais quand je suis ici, le Portugal me manque. Là-bas, même les grandes villes sont calmes, contrairement à la capitale française. Lisbonne est une ville claire et colorée. Les gens sont sereins, c'est plaisant. Si je pouvais, je serais tout le temps entre deux avions.
Que signifie « être Française » pour vous?
Je suis Française parce que je vis ici. Et parce que je vis ici, je respecte les lois françaises. En fait, je crois qu'on doit se sentir chez soi partout où l'on est. J'ai de la chance aujourd'hui d'avoir deux cultures qui sont très ressemblantes, mais aussi très opposées. Au Portugal, on est très famille, on est chaleureux parce qu'on a le soleil, et ça influence la culture culinaire aussi. Je me sens portugaise lorsque je mijote des plats pendant des heures, comme ma mère me l'a appris. Ici, en France, les gens sont plus froids, comme le temps qui est plus gris. Je me sens aussi Française parce que je suis libre de m'exprimer, libre de montrer. Même si, au jour le jour, j'ai l'impression que ça se referme, il n'y a qu'à voir le débat actuel sur l'identité nationale.
Justement, est-ce que vous pensez que l'État peut donner une définition à ce qu'est l'identité nationale française?
Non, ce débat m'exaspère. A tel point que j'évite de lire des choses dessus, parce qu'à chaque fois, j'ai l'impression de lire des aberrations de plus en plus grosses. Pour moi, il n'y a pas d'identité nationale, mais une identité propre à chacun qui peut être multiple. Pour vivre sereinement dans une société, il ne faut pas renier ses origines. Car ce sont nos racines qui font de nous ce que l'on est. Et l'identité d'une personne se construit toute sa vie à travers les rencontres qu'elle fait. Sinon, on est des robots avec nos petits acquis et on n'évolue pas.
Que pensez-vous de la proposition d'Eric Besson, le Ministre de l'Immigration, de l'Intégration et de l'Identité nationale, de créer une sorte de « parrainage républicain » des étrangers en France pour favoriser leur intégration?
C'est ridicule, j'ai vraiment l'impression de vivre à nouveau dans un pays dictatorial. Parce que moi, j'en sors. Mes parents m'ont élevé dans l'esprit de la résistance à la dictature de Salazar, mon père a été torturé en prison, ça laisse forcément des traces. Ce genre de débat va mener à des extrémismes, parce qu'aujourd'hui, on pousse les gens à choisir entre deux identités. Personnellement, je ne peux pas renier qui je suis. Mon âme est portugaise mais aussi française. Et pourtant, j'ai un papier qui me dit que je ne suis pas Française. Même si je suis européenne, sur ma pièce d'identité, c'est marqué « nationalité portugaise ». Du coup, je ne peux pas voter aux élections nationales. Je vis ici, je travaille ici, je paie les impôts, sauf qu'on me dit que je n'ai pas le droit de choisir qui va décider des lois qui me régissent! Je ne comprends pas comment l'Etat peut demander à des gens de faire en sorte d'être Français, alors que de l'autre côté, il nous rappelle que nous ne sommes pas d'ici, puisqu'on ne vote pas. C'est frustrant.
Propos recueillis par C.L.
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1 commentaire:
Très interessant cet interview
bisous MBl
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