mardi 27 novembre 2007

Auf der anderen Seite - De l'autre côté


Envol « de l’autre côté » de l’écran. Entre Hambourg, Brême et Istanbul, Fatih Akin nous raconte les histoires parallèles de Nejat, Ali, Ayten, Yeter, Lotte et Susanne, des personnages qui se cherchent sans se croiser et se croisent sans le savoir. Des humains qui cherchent surtout « ailleurs » une réponse à leur vie. Ailleurs : de l’autre côté des frontières (géographiques, géopolitiques mais aussi culturelles), de l’autre côté de la mort.

Ils sont en quête d’identité, parfois partagés –ou plutôt coupés- entre deux cultures. Le père parle turc, le fils répond en allemand. Scission des générations et complexité de l’intégration. Lorsque le cœur est entre deux rives, un retour aux racines est parfois vital.

Ayten, elle, a choisi de se battre pour donner un sens à sa vie. Elle brandit le fanion des droits de l’homme et des libertés dans son pays natal, qu’elle aime et maudit tout à la fois. Difficile de ne pas voir le regard que porte le réalisateur sur son pays d’origine et sa place dans l’Europe actuelle.

Entre chocs générationnels et chocs culturels, la communication n’est pas aisée. Et pourtant, leur absurde de condition humaine rassemble nos personnages. Confrontés au même sort de la mort (qui ne fait d’ailleurs qu’avérer leurs vies), leurs destins se nouent. Difficile combat que le deuil : nos personnages doivent apprivoiser la séparation -« de l’autre côté »- et affronter les regrets face à la perte de l’être cher.

« Qui voudrait voir fleurir une rose au fond de l’hiver ? » Ce poème de Goethe récité par Nejat rappelle la persévérance de la vie. Une mère retrouve une fille, un fils pardonne son père, et l’attend face au bruit de la mer et de ses vagues roulant et crachant indéfiniment… La mort n’est pas une fin en soi, le cri de la vie est le plus fort.

Aussi, tout parait étrangement apaisé. Le magicien Akin dit finalement beaucoup en taisant presque tout. Les visages parlent, les yeux pleurent, les sentiments crèvent l’écran. Et la musique nous transporte émotionnellement…

Lorsque la lumière est rallumée, assis dans son fauteuil, le spectateur sait que lui aussi, comme Ayten et les autres, est condamné à l’humanité et à ses souffrances. Mais le chemin nous conduisant tous vers la mort est celui de la fraternité, de l’écoute mutuelle, des rencontres et des découvertes, de l’amour, … de la Vie !
Danke Ihnen, Fatik Akin, für diesen wunderschönen und sehr prägenden Film!!!





Résumé:

Malgré les réticences de son fils Nejat, Ali, veuf, décide de vivre avec Yeter, une prostituée d'origine turque comme lui. Mais Nejat, jeune prof d'allemand, se prend d'affection pour Yeter lorsqu'il comprend qu'elle envoie son argent à sa fille Ayten, en Turquie, pour lui payer des études. Après la mort accidentelle de Yeter, Nejat se rend à Istanbul dans l'espoir de retrouver la trace d'Ayten. A Hambourg, cette dernière sympathise avec Lotte, une étudiante allemande aussitôt séduite par le charme et l'engagement politique de la jeune Turque. Elle l’héberge chez elle, malgré les réticences de sa mère, Suzanne. Quand la jeune fille est expulsée d'Allemagne, Lotte décide de se rendre en Turquie.

Prix du scénario et prix du Jury Œcuménique au festival de Cannes 2007

Encore dans les salles: courrez-y!!!

jeudi 8 novembre 2007

Du théâtre bouffon

C’est l’histoire d’Antonia, femme au foyer au caractère bien trempé, et de Margherita, sa jeune voisine candide qui, face à l’augmentation sans fin des prix des supermarchés, volent les marchandises pour assurer leur survie.
C’est l’histoire du mari de la première, Giovanni, trop respectueux de la loi pour oser lui désobéir.
C’est l’histoire d’un policier révolté par la paupérisation des ouvriers et d’un gendarme aveuglé par le pouvoir.
C’est l’histoire d’une société italienne en dérive, dépeinte par Dario Fo en 1974 dans sa pièce Faut pas payer !
C’est l’histoire de quiproquos sur quiproquos : un sac de provisions caché sous une veste devient un bébé, il est possible de le greffer dans le vendre d’une autre et Sainte Eulalie peut même le transformer en salades (le légume mais il s’agit également de « belles salades » que nous raconte Antonia)

Jacques Nichet, directeur du TNT (Théâtre National Toulousain), monte cette pièce en 2005 et continue de la porter sur les scènes françaises.
Son théâtre devient alors une tribune : derrière l’absurde, la dénonciation ; derrière le vaudeville, l’indignation ; derrière le grotesque, le sérieux.

Les personnages passent du rire aux larmes. Par le rêve et l’imagination, ils transforment leur tragique de situation en comédie quotidienne. La bouillie de millet devient alors un aliment « pas si mauvais », des olives tombent du liquide amniotique. Même si on leur a volé leur humanité au profit d’une animalité, ils retrouvent leur liberté par leur capacité d’imagination.
Le rêve et le grotesque comme issues de secours dans cette vie misérable.

Un peu comme le théâtre : un brin d’évasion par l’imagination. Une fenêtre pour s’envoler…

C’est l’histoire d’un éclat de rire… jaune. Un éloge à la désobéissance civile.





PS : je n’en dis pas plus mais vous incite à aller voir cette pièce cinglante. A Reims du 14 au 16 novembre à la Comédie. A Nantes du 28 novembre au 8 décembre.

mercredi 10 octobre 2007

Mais où sont passés nos médias?

Les médias. Communément regroupé sous l’expression « le quatrième pouvoir ». Avec cette idée sous-jacente de « contre-pouvoir » aux forces politiques. Les philosophes des Lumières avaient déjà perçu la nécessité de tels contre - poids : la critique (négative comme positive, d’ailleurs) permet d’avancer. Corrélat de la liberté d’expression, la diversité des opinions doit être mise à jour.

Avec le temps, l’évolution de la technologie et des mœurs, les médias sont devenus un instrument indispensable à ce régime politique (si parfait dans la théorie, mais difficilement réalisable dans la pratique) qu’est la démocratie. Rapporter les informations, critiquer les faits, présenter des points de vue opposés et surtout mettre à la lumière les zones d’ombres, tout ce qui ne se sait pas et devrait être montré du doigt : tel me semble être le rôle des médias dans nos sociétés du XXIème siècle.

Mission accomplie ? Ces dernières semaines, deux exemples me poussent –une fois de plus- à en douter !

Un scandale politico-français, tout d’abord : depuis le 1er février 2007, l’indemnité chômage de nos chers députés a légèrement été prolongé. Jusqu’ici, un député non réélu touchait pendant six mois son indemnité mensuelle (environ 5000 € net). Désormais, il la touchera…durant soixante mois, soit durant cinq ans (le temps d’un mandat législatif, si vous voyez où je vois en venir…)
A moins que mon séjour en Allemagne m’ait totalement coupé du monde, je n’ai entendu aucun média rapporter ces faits. Pourtant, il s’agit de nos impôts : le contribuable est le premier concerné par ce genre de lois. A l’heure où le citoyen ne peut plus compter sur ses représentants à l’Assemblée Nationale (même si notre Constitution est en grande partie responsable : à défaut de chambres représentatives, nous avons des chambres fantômes –mais ceci est une autre histoire…), les médias semblent eux-aussi de plus en plus friables (et encore ! Je n’ose évoquer la main - mise financière de nos hommes politiques)

Deuxième fait : l’actualité politique en Birmanie. Nos grandes ondes en ont parlé quelques jours durant, et depuis, motus et bouche cousue. Allez, à la limite, un petit article, là-haut en coin. Mais n’exagérons rien : la coupe du monde de rugby passe avant tout (et les disputes sur la couleur des tee-shirts : question vitale !) Sans parler d’EADS, affaire dans laquelle nous pataugeons de plus en plus (d’autres informations ont- elles été révélées sans être communiquées au citoyen ?).
Alors que des milliers d’hommes et de femmes sont persécutés par un régime militaire autoritaire, nous jouons la carte de l’indifférence. Même les Guignols n’en parlent plus. Il est vrai que les barrières de la dictature birmane empêchent de connaître le réel sort des moines bouddhistes, mais les médias devraient relayer le peu d’informations qu’ils possèdent. On se doute que la junte militaire ne se « contente » pas d’arrestations. Lisez à ce propos le mail ci-dessous apparemment écrit par une birmane le 1er octobre 2007 : même si je reste sceptique quant à ce genre de réceptions par Internet, le contenu est fort crédible.


Après tout, histoire de finir sur une note d’optimisme, « la grande toile » pourrait offrir une alternative à nos médias de plus en plus muselés ou apeurés…


Mail diffusé sur le net, écrit le 1er octobre 2007

«We just got phone call with our sister living in Yangon about a few hours ago.We saw on BBC world, saying that 200 monks were arrested. The true picture is far worse!!!!!!!!!
For one instance, the monastery at an obscure neighborhood of Yangon, called Ngwe Kyar Yan (on Wei-za-yan-tar Road, Yangon) had been raided early this morning. A troop of lone-tein (riot police comprised of paid thugs) protected by the military trucks, raided the monastery with 200 studying monks. They systematically ordered all the monks to line up and banged and crushed each one's head against the brick wall of the monastery. One by one, the peaceful, non resisting monks, fell to the ground, screaming in pain. Then, they tore off the red robes and threw them all in the military trucks (like rice bags) and took the bodies away.
The head monk of the monastery, was tied up in the middle of the monastery, tortured , bludgeoned, and later died the same day, today. Tens of thousands of people gathered outside the monastery, warded off by troops with bayoneted rifles, unable to help their helpless monks being slaughtered inside the monastery. Their every try to forge ahead was met with the bayonets.

When all is done, only 10 out of 200 remained alive, hiding in the monastery. Blood stained everywhere on the walls and floors of the monastery. Please tell your audience of the full extent of the fate of the monks please please !!!!!!!!!!!! 'Arrested' is not enough expression. They have been bludgeoned to death !!!!!! Aye Aye Hong Kong »


Traduction (reçue comme telle dans le mail)

« Nous venons d'avoir un coup de téléphone de notre sœur qui habite à Yangon, il y a quelques heures.

On a vu qu'ils disaient sur la BBC WORLD que 200 moines avaient été arrêtés. La réalité est bien pire !!!!! Par exemple le monastère d'un quartier peu connu de Yangon, qui s'appelle Ngwe Kyar Yan ( Rue Wei-za-yan-tar à Yangon) a subi une descente de police tôt ce matin.

Une troupe de 'lone-tein' (la police anti-émeutes constituée de voyous payés) protégés par des camions militaires ont fait une descente sur le monastère où étudient 200 moines. Ils ont ordonné systématiquement à tous les moines de s'aligner, les ont frappés et leur ont écrasé la tête contre le mur de briques du monastère. Un par un, les moines pacifiques et sans résistance sont tombés par terre en hurlant de douleur. Puis les policiers leur ont arraché leurs robes rouges, les ont tous jetés dans les camions militaires (comme des sacs de riz) et ont emporté les corps.

Le moine principal a été attaché au milieu du monastère, torturé, matraqué et il est mort plus tard le même jour, aujourd'hui. Des dizaines de milliers de gens se sont rassemblés devant le monastère, ont été repoussés par des militaires baïonnettes au canon, et ils ont été incapables d'aider leurs moines impuissants qui se faisaient massacrer à l'intérieur du monastère. Toutes leurs tentatives pour avancer se sont heurtées aux baïonnettes.

Quand tout fut terminé, il ne restait que 10 moines sur 200 en vie, cachés dans le monastère. Du sang tachait tous les murs et les sols du monastère.

S'il vous plait, racontez à votre public l'étendue réelle du sort des moines, s'il vous plait, s'il vous plait !!!!!!

« Arrêté » n'est pas une expression suffisante. Ils ont été matraqués à mort.

Aye Aye Hong Kong »

lundi 8 octobre 2007

Ces Toulou-zinzins chauvins

Le ciel est blanc. Les toits sont illuminés. Dehors, la rumeur gronde.
« On a gagné, on a gagné, on a, on a, on a gagné ». La nuit sera longue.

Samedi après-midi, installation de l’écran géant place du Capitole. Ambiance dès 19h. Le DJ chauffe la place entière. De ma modeste chambre de bonne, j’entends les cris et autres chants de guerre. Catherine, Elo et Charlène arrivent. Bonne petite bouffe avant d’aller rejoindre le chœur du Capitole. Allez, nous aussi, nous chantons. Nous aussi, nous crions. Nous aussi, nous tremblons.


Je regarde autour de moi : tous ces toulousains assis sur leur place fétiche, fiers de leurs joueurs présents dans l’Equipe de France.
Suis-je en train de regarder un match du Stade Toulousain ? Les acclamations toulousaines m’en font douter. Ca n’est pas la Marseillaise que nous reprenons en chœur. De temps à autre, un « Allez les Bleus » pour la route. Mais le plus souvent, la foule hurle : « Qui ne saute pas n’est pas toulou-sain ! ». Et applaudit SES joueurs (c'est vrai qu'il y a un bon échantillon) plus fort que les autres.
Chauvins, les toulousains ? Oh, si peu !

Pourtant, ils me font sourire, tous, jeunes et moins jeunes rassemblés devant leur mairie. Ils parlent du rugby avé l’accent, comme ils vantent leurs violettes et leurs briques roses.

Sur la mairie du Capitole, une affiche depuis le début de ce mondial : «Bienvenue », sous-entendu : « ici, mon gars, tu es dans la capitale du rugby ». D’ailleurs, ils en ont même créé un « village » à la Prairie des Filtres, le long de cette si belle Garonne : un écran géant rediffusant les matchs, des télévisions, et de l’alcool coulant à flot (à défaut de ricard, ils boivent de la bière (quoi, c’est pas toulousain, ça ?))


Les commerçants ont également sorti leurs plus beaux atouts : des bars « secoués de rugby » (vive le sponsor Orangina), Monoprix dédicaçant ses trois vitrines à des mannequins en tenue sportive avec du Coca à leurs pieds (tant qu’on est dans les boissons pétillantes !), la librairie du Capitole publiant des livres sur l’histoire d’amour entre Toulouse et son sport,… La ville entière baigne dedans !

Aussi, que d’excitations ce soir lorsque les Toulousains, pardon, que dis-je, les Français, sont remontés à 13 partout. « On va se manger des All Black ». Les 5 dernières minutes ont été cruciales : la place entière retenait son souffle ; tous les cœurs battaient la chamade. J’ai beau ne pas connaître les règles de ce beau sport (bon, d’accord, on passe la balle derrière, un essai vaut 5 points, on peut le transformer en 2 points,…), je me surprends à vibrer avec les quelques autres 30000 personnes rassemblées.

Le ballon rond en touche… et c’est la festa, comme ils disent ici ! Les rues sont prises d’assaut : tous direction les bars, les épiceries de nuit, les marchands de falafels ou de gaufres,… On s’embrasse, on se hurle dessus, on klaxonne, on chante, on imite des mêlées,…

Ce soir, je me sens toulousaine. Demain, je me sentirais peut-être berlinoise, ardennaise, européenne ou tout simplement humaine. Mais cette nuit, je joue le jeu. Je me laisse « emportée par la foule ». Je me la joue chauvine, moi aussi.

Le long de la Garonne, princesse de ce pays, nous imitons l’accent toulousain. « Oh, putaing cong, on va en demi ». Puis nous entamons « Oh, Toulouse, ooh Tou-louse ».

« Ici, si tu cognes, tu gagnes ». Nougaro, l’enfant du païs, l’a bien compris. Et ce soir, ça a marché !
Fière d’être toulouzinzin !


PS : Rendez-vous samedi prochain, même heure, même place.