dimanche 19 octobre 2008

ART – Käthe Kollwitz, femme, mère et génie

(Retour sur une artiste qui m'a profondément marquée)

Elle sculptait et lithographiait dans son atelier de Prenzlauerberg. Révoltée contre la misère, hantée par la mort de son fils, Käthe Kollwitz est une de ces artistes prodigieuses dont les œuvres sont pleines de souffrance et d’amour. D’humanité.


Weiβenburgerstraβe : cette rue n’existe plus. Aujourd’hui, elle porte le nom du locataire du numéro 25. Käthe Kollwitz. Ce petit bout de femme a habité avec sa famille dans le quartier ouvrier de Prenzlauerberg de 1891 à 1942. C’est ici que, confrontée à la misère au quotidien, elle commence à se révolter contre l’injustice sociale et la détresse humaine. « Je veux agir à cette époque où les gens sont si désemparés et ont tant besoin de secours » affirme-t-elle en 1922. La gravure, la sculpture et la lithographie seront ses armes. La pauvreté, la faim et la guerre ses ennemis. Un engagement socialiste et pacifiste qui lui vaudra d’être exclue de l’Académie des Beaux-Arts de Prusse en 1933, lors de l’arrivée d’Hitler au pouvoir.


Une mère obsédée par la Mort

Une reproduction de la Pietà (1937) trône au milieu de la « Nouvelle Garde » sur Unter den Linden.


Ce sont les tisserands de Silésie révoltés contre le pouvoir qu’elle dessine en 1898. C’est la dépouille du socialiste Karl Liebknecht qu’elle sculpte sur bois en 1919. Ce sont surtout ces soldats enrôlés qu’elle crayonne tels des fantômes hypnotisés par la propagande de guerre. Car le destin de Käthe Kollwitz bascule un jour d’octobre 1914 lorsque son fils Peter tombe au front en Belgique. Une mort qu’elle n’arrivera jamais à surmonter et qui hantera le reste de son œuvre. Ses lithographies tournent autour du triptyque de la mère, l’enfant et la Mort. On y voit des visages d’enfants apeurés, emportés par une mort personnalisée toute puissante. On y voit des mères désespérées et abattues par la perte de l’être aimé. Des femmes fortes et faibles à la fois, tantôt prêtes à faire « une tour de mères » pour protéger leur bien le plus cher, tantôt s’effondrant face au corps mort de la chair de leur chair. Sa Pietà nous dit toute la souffrance du deuil d’un parent. Sa sculpture d’une mère serrant ses enfants prisonniers entre ses cuisses et ses bras révèle la force de l’amour maternel.

« Mutter mit zwei Kindern » 1934


Une femme tenace et pleine de vie

« Anruf auf Tod » 1934/35


Au fil des années et de ses œuvres, Käthe Kollwitz semble avoir apprivoisé la mort, tel un destin au devant duquel elle court – comme nous tous. En 1935, elle dessine une vieille femme qui sent une main sur son épaule et est prête à la suivre. « L’appel de la mort » se fait entendre. Ses autoportraits, tels un journal intime, sont d’une honnêteté absolue avec le spectateur. Les rides apparaissent avec le temps. En 1934, à 67 ans, l’artiste se représente le regard triste, le visage fatigué. Son silence l’a dit condamnée, alors qu’elle est déjà interdite d’exposer sous le Troisième Reich. Elle nous fixe droit dans les yeux, les lèvres quelque peu entrouvertes, sa main droite apposée sur son crâne. A travers le temps, elle semble nous transmettre le quelque peu de courage et d’espoir en un monde meilleur qui lui reste. C’est ce portrait d’une femme téméraire, forte et pleine d’amour qui demeure. Une artiste débordant d’humanité.

Selbstbildnis, 1934



Cécile Leclerc (www.lepetitjournal.com/berlin.html) Juillet 2008


Le musée Käthe Kollwitz de Berlin regroupe un ensemble de 200 estampes et une série de 70 dessins et affiches originales, ainsi que 15 sculptures de bronze. Audio-guide en français – Fasanenstr. 24 – ouvert tous les jours 11h-18h. 5€/2,50€ http://www.kaethe-kollwitz.de/

mardi 14 octobre 2008

Juste pour dire....

que j'ai mon coeur dans mon cerveau,
que c'est une véritable lave brûlante qui monte, qui monte,
que je me demande souvent si le volcan va exploser,
que je sur-vis avec cette tête lourde,
que j'ai souvent envie de tout abandonner,
mais que, toujours, l'espoir revient au grand galop,
et que sans vous, ça serait pire que tout.
Que l'écriture me soulage.



Je rêve de retrouver un crâne paisible, pareil à ces montagnes enneigés...

jeudi 9 octobre 2008

Hier und da


(J'interromps cette rétrospective de mes articles écrits au Petit Journal pour vous partager un "texte" tout droit sorti de mon intimité, que j'ai retrouvé au fond d'un tiroir...)


Hier und da.

Du bist hier, ich bin hier.
Drinnen warm, kalt draußen
Die Gitarrensaite als Echo unserer Stimmen.
In dem gedämpften Licht
Dein glänzendes Gesicht.

Du bist hier, ich bin hier.
Der hellblaue Himmel der Nacht.
Unsere Körper vor Kälte erstarrt.
Das Rauschen des Windes in unseren Ohren
Hat uns den Wunsch gesungen.

Du bist hier, ich bin hier.
Warmes gemütliches Zimmer.
Unsere Augen blicken ineinander
Du in mir, ich in dir,
Musik unserer Atemzüge.

Du bist hier, ich bin da.
Die Zeit eilt wie der Wind
Und wartet nicht auf uns.
Die Melodie meiner Tränen
Und meiner Schritte – Vorwärts

Ich bin da.


DECOUVERTE - Voyage au bout du monde : les jardins de Marzahn




Berlin, ville verte ? On n’en doute plus. Mais saviez vous que le monde vous tend les bras dans la banlieue est de Berlin ? Le parc de Marzahn vous offre un voyage végétal à travers le temps et l’espace. Reportage dans ce petit Eldorado des sens.


Marzahn. Station de S-Bahn, tout le monde descend. Le bus 195 vous transporte, direction : le paradis. Oubliez les clichés banlieue, et commencez à rêver : vos pieds foulent l’herbe nue, vos joues sentent la légère brise du vent ? Vos yeux sont inondés du vert des arbres et du bleu du ciel ? Vous n’entendez plus que la mélodie de l’eau ? C’est bon, vous avez perdu pied, que l’évasion commence.


Des jardins asiatiques à la recherche de l’harmonie
Escale numéro 1 : Bali. Sous la serre : un temple, une chaleur tropicale, des fleurs luxuriantes. On verrait presque les nymphes divines danser sous nos yeux. Car ici, l’homme doit trouver l’harmonie parfaite avec lui-même, avec la nature mais également avec les dieux. Cette philosophie de vie se retrouve dans les autres jardins asiatiques. En Corée, vous vous trouvez dans « la maison de la joie solitaire », seul avec la forêt, l’eau et des pierres. La simplicité est de mise. Au Japon, vous suivez le cours d’eau comme vous suivez le cours de votre vie : en tourbillonnant, parfois en faisant marche arrière, et en terminant sur cette pelouse de cailloux ratissés. La perfection comme but ultime. Dernière escale asiatique, la Chine vous offre de grands espaces. Ses ponts transportent les promeneurs des lacs ornés de nénuphars aux pavillons chinois, dans lesquelles ils peuvent se poser sur un banc. Et trouver la joie et la sérénité dans l’isolement avec la nature.

Un havre de paix sensuel
Autre époque, autre lieu : voici un jardin de la Renaissance italienne, récemment inauguré. On s’imagine aisément un bal masqué entre les arbustes taillés et les fontaines chantantes, des femmes en robes bouffantes courant dans les rangées de ce jardin symétriquement parfait. Le tour du monde s’achève déjà, voici la dernière halte : le jardin oriental. Passez la porte de la mosquée et entrez au paradis tel qu’il est décrit dans le Coran : les arbres fruitiers sont en abondance, les fleurs dressent un tableau aux mille couleurs, l’eau jaillit de nulle part. Difficile de quitter ce palais des sens. Le temps s’est arrêté dans les jardins du monde de Marzahn. « Le parc pour se reposer » (Erholungspark) : tel est son nom. Qu’il en soit ainsi.

Cécile LECLERC (www.lepetitjournal.com/berlin.html)








Des jardins pour tous !
Famille : Des espaces pour courir, des terrains de jeux à dispositions entre les six jardins, et un labyrinthe rassemblant petits et grands… pour une durée indéterminée. Saurez vous en sortir ?
Flâneurs : Du gazon à perte de vue pour vous poser autour d’un bon bouquin. Des chaises et transats sont à disposition du public. Certains amènent même leur maillot de bain et crème de bronzage !
Personnes âgées : L’idéal pour se promener dans un grand espace vert : « ça permet de prendre l’air quand on habite dans une grande ville comme Berlin » témoigne cette allemande d’un certain âge. Si vos pieds sont fatigués, possibilité de se faire emmener par des voiturettes.
Snacks et cafés dans le parc. Arrêtez-vous notamment à la maison du thé du jardin chinois !

lundi 6 octobre 2008

HISTOIRE – Autour du Bundesrat, trois siècles d’histoire


De 1740 à nos jours, la Leipziger Straβe a vu passer Mendelssohn, Bismarck ou Göring. Dans les murs du Bundesrat, revivez les drames et les grandeurs qu’a connu Berlin ces trois derniers siècles.




Le Bundesrat, Leipziger Strasse

2000.
Les organes politiques allemands emménagent à Berlin. Le Bundesrat, seconde chambre du Parlement, s’installe au numéro 3 de la Leipziger Straβe. Les travaux de rénovation viennent tout juste de s’achever. Douze fois par an, les représentants des Länder investissent ce haut lieu ayant traversé les trois derniers siècles.


D’une manufacture à la « Maison des Seigneurs prussiens »
1740. Au numéro 3 de la Leipziger Straβe, un palais baroque voit le jour sous le règne de Frédéric Guillaume Premier, roi de Prusse. Vingt ans plus tard, un commerçant y installera sa manufacture de soie. La maison voisine, le numéro 4, fera office de manufacture de porcelaine. L’industrie suit son cours.
Au XIXème siècle, le palais revient aux mains de la bourgeoisie : c’est la famille Mendelssohn-Bartholdy qui s’y installe. Les grands intellectuels de la société, tels les frères Humboldt, investissent les lieux. C’est d’ailleurs en ces murs que Felix Mendelssohn aurait composé la musique de son Songe d’une nuit d’été.
1851. Finis le commerce et les salons intellectuels, place à la politique ! Le bâtiment accueillera désormais les Seigneurs du royaume : 180 représentants de la noblesse prussienne, des princes de sang mais aussi des bourgeois élus au suffrage censitaire. Dans cette Chambre des pairs, point de débats houleux, mais un veto apposé de temps à autre à la Chambre des députés. Trente ans plus tard, les Seigneurs se voient privés de leur jardin : derrière leur palais se dresse le Landtag prussien au Niederkirchnerstraβe 5. Aujourd’hui, ce sont toujours des députés qui y siègent : ceux du Land de Berlin. Les deux bâtiments partagent encore une cour commune.

L'actuelle maison des députés, Niederkirchnerstraβe 5



Du Troisième Reich à la RDA

Le ministère des Finances ou l'architecture nazie au coeur de Berlin

1918.
L’Empire allemand est mort, la République de Weimar naît difficilement de ses cendres. La Prusse n’est plus qu’un simple Land de la nouvelle Allemagne et son conseil siège dans l’ancienne Maison des Seigneurs. L’arrivée du NSDAP au pouvoir sonne la fin de la République. C’est Hermann Göring, haut-chef de l’Armée de l’air, qui s’installe au numéro 3 de la Leipziger Straβe. Jugeant le palais trop étroit, il fait construire en 1936 un gigantesque Ministère de l’aviation du Reich au numéro 5 de la Leizigerstraβe. 2000 bureaux, 56000m² de surface : le bâtiment impressionne et domine la Wilhelmstraβe. Après la guerre, le régime du SED (le PC allemand de l’Est) y installera sa Maison des Ministères, tandis que la Commission au Plan travaillera dans la maison voisine…. dans l’ancienne Maison des Seigneurs. Au bout de la rue, on pourra alors apercevoir le mur séparant l’Est de l’Ouest sur la Potsdamer Platz. Aujourd’hui, le Ministère des Finances loge dans le bâtiment d’architecture nazie, aux côtés du Bundesrat et de la Maison des députés berlinois. Trois organes politiques éminents dans plusieurs dizaines de mètres carrés traversés par l’histoire allemande. Une rue chargée du passé. Désormais tournée vers l’avenir.

Cécile Leclerc (www.lepetitjournal.com/berlin.html) Juin 2008